Cameroun - Douala - Mystère sur une visite présidentielle: Paul Biya attend-il l'ordre de son marabout?

Par BENJAMIN ZEBAZE | Ouest Littoral
Douala - 27-Sep-2013 - 16h01   53626                      
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Toute la médiocrité du pouvoir actuel se résume dans la gestion plus qu'approximative de la venue du Président Paul Biya à Douala. Une gestion où transpire le mépris que ce monsieur a pour les militants de son parti en particulier et les camerounais en général. Face à un tel imbroglio, seules les réticences d'un marabout pourraient expliquer une telle indécision.
Le feuilleton autour de l'éventuelle visite du Chef de l'Etat à Douala dans le but de procéder à la pose de la première pierre du second pont sur le Wouri continue son bonhomme de chemin. Comme tout feuilleton qui se respecte dure une saison, voilà près de douze mois que des milliards de FCFA sont dépensés à l'entrée-nord du pont sur le Wouri pour accueillir «son excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l'Etat, Chef des armées, Président national du grand parti national, le Rdpc... ». Un événement dont la date précise n'est connue que par Paul Biya et le Saint-Esprit Même les plus gros supporters du Président de la République en perdent leur latin. Voilà un département qui contribue, hors-pétrole, à plus de 80% de notre Produit intérieur brut (Pib) qui est traité avec un mépris incroyable par un homme dont l'activité principale consiste à dépenser l'argent travaillé par d'autres. Venir à Douala devrait être non seulement régulier pour un Chef de l'Etat, mais encore être fait de gaité de cœur. Si Douala n'existait pas, les brefs longs courts séjours «quelque part» en Europe se dérouleraient avec moins de faste. N'importe quel bipède, à la place du fils de Mvondo, ayant un peu de sens des responsabilités comprendrait qu'il est nécessaire de soigner avec une attention particulière cette ville dans laquelle la folie dépensière du régime trouve sa source de financement. Il est admis que Douala est la mamelle nourricière du Cameroun; on ne saurait par conséquent comprendre comment depuis près d'une année, une visite présidentielle sans cesse repoussée est annoncée dans cette ville pour la pose de la première pierre d'un second pont sur le Wouri, pont dont le caractère vital pour notre pays échappe à aucun camerounais. Plus curieux est le fait que dans tous les pays dit du tiers-monde en Afrique n'ayant pas les potentialités du nôtre, des gouvernements attentifs au bien-être des populations multiplient depuis longtemps ce type d'ouvrage sur des fleuves de la même importance que le Wouri. Abidjan en est à son troisième, Cotonou et Lomé à leur second... On se souvient que lorsqu'avec l'aide de la France, le premier pont sur le Wouri est inauguré le 15 mai 1955, il n'est guère utilisé que par des troupeaux de vaches, des piétons et de rares véhicules à moteur. Après trente années d'un «Renouveau erratique», des centaines de milliers de voitures le traversent tous les jours. On en est à faire la publicité autour de la pose de la première pierre d'un ouvrage qui non seulement est indispensable pour les populations (le pont sur le Wouri relie Douala aux régions du Sud-ouest, Nord-ouest, Ouest et du Grand-nord), mais devrait permettre d'améliorer les comptes publics dans lesquels Monsieur Biya et son Rdpc s'approvisionnent abondamment. Une attitude qui met les candidats du Rdpc en difficulté sur le terrain Quand viendra-t-il pour cet événement, est désormais la question essentielle que se pose le tout Douala Administroco-politico-économique. Une telle condescendance vis-à-vis des gens qui l'ont théoriquement élu ne s'est jamais vue dans le monde. Même à l'époque romaine ou celle des empereurs européens, cela relève du jamais vu. César et Napoléon par exemple, envoyaient des messagers ou des pigeons voyageurs annoncer aux populations le jour de leur arrivée dans les contrées éloignées du siège des institutions. Qu'à l'époque d'internet, un «monarque» du tiers monde n'arrive pas à informer le moindre de ses «sujets» de la date de son arrivée alors qu'ils sont séparés par moins de 300 km dépasse l'entendement. Les responsables du Rdpc dans la Région du Littoral qui se battent non seulement pour sauver ce qui reste de leur peau, mais aussi le pouvoir de l'homme du six novembre 1982 ont bon dos. Que dire aux militants qui attendent de voir leur Chef venir relancer une campagne électorale qui s'annonce historiquement désastreuse? Des militants qui s'apprêtent à entonner à tue-tête l'hymne du grand parti national que l'on chante lors de ce type de grande Manifestation «Pôoooooooo Biya toujours chaud gaaaaaaaaa». Voilà des gens qui s'évertuent à longueur d'année à expliquer que nous avons à la tête de l'Etat un homme qui est à «l'écoute» des citoyens, qui est «l'homme du peuple» mais qui voient leurs paroles démenties par un comportement irrationnel quelques heures d'une échéance électorale capitale pouvant mettre fin à l'un des régimes les plus corrompus de la planète. Ils sont tous visiblement mal à l'aise lorsqu'au détour d'un meeting, les militants leur pose la question de savoir quand ils pourront applaudir celui dont certains n'hésitent pas à affirmer qu'ils sont «les esclaves». Les plus «courageux» trouvent le moyen d'affirmer que «cela entre dans la droite ligne des prérogatives du Chef de l'Etat qui utilise son pouvoir discrétionnaire comme il l'entend». Soit! Mais le jour où son peuple utilisera lui aussi son «pouvoir discrétionnaire» pour mettre fin à trente années de gestion catastrophique, il ne faudra pas mettre le feu au pays, dans un baroud d'honneur. Une toile de grandeurs qui entraîne une paralysie de l'économie. Même les plus fervents «admirateurs Paul Biya sont scandalisés par les dépenses somptuaires, réalisées à l'entrée nord du pont de Wouri pour préparer la visite à «l'improviste» du Président de la République. Le site des cérémonies choisi est celui de la gendarmerie de Bonabéri qui est désormais illuminé nuit et jour alors qu'il y a quelques mois, les pauvres gendarmes n'avaient ni électricité ni Wc. Quiconque traverse le pont du Wouri est surpris par une propreté un peu trop nette pour ne pas être récente, montrant toutes les limites du Délégué du Gouvernement Ntonè Ntonè qui fait vivre les populations dans la crasse permanente. Des «tentes, maisons» avec des dizaines de climatiseurs, une estrade avec des carreaux qui à vue d'œil, sont en marbre de première qualité, un terrassement avec une première couche de bitume, laissent supposer que des milliards ont été dépensés pour permettre à un pouvoir mégalomane de parader devant une foule affamée qui rumine sa colère en attendant le jour où elle explosera. Combien d'argent détourné? Plus grave est le ralentissement de l'économie que cette visite cause dans la mesure où tout est en stand-by en attendant que, tel un messie, Paul Biya atterrisse à Douala sous les «youyous» d'une foule importée pour la circonstance. Mais au vue des tergiversations du régime, des fins analystes de la politique camerounaise en sont à se demander si le pouvoir n'est pas dans l'attente qu'un «marabout réputé» n'interprète «des signes» pour donner son feu vert pour ce qui risque d'être la dernière visite de Paul Biya à Douala en tant que Président de la République.




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