Cameroun - Enquête: Prison de Kondengui: Le difficile quotidien des femmes détenues

Par PRISCILLE G. MOADOUGOU AVEC NADINE DJOMO | Mutations
Yaoundé - 07-Mar-2014 - 16h54   53312                      
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Elles seront cette année, parées aux couleurs du 8 mars et pourront même défiler au sein de ce pénitencier.
Comme de nombreuses femmes à travers le pays, celles de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé défileront demain 8 mars, jour de la célébration de la 29 ème édition de la Journée internationale de la femme (Jif). Ne pensez surtout pas qu'elles auront une dérogation spéciale de se rendre au boulevard du 20 mai, lieu du défilé. Que non! C'est dans l'enceinte du pénitencier qu'elles sacrifieront au rituel. Et pour rendre ce jour encore plus beau, elles ont reçu la visite, mercredi dernier, de l'ensemble du personnel féminin de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), élargi à la Commission nationale transitoire de football féminin, conduite par sa présidente Céline Eko. C'est les bras chargés de cadeaux que les femmes de la Fécafoot se sont rendues à la prison de Kondengui. Par cet acte, elles répondaient à la demande de l'Association des femmes détenues de Kondengui à qui elles ont apporté des pagnes du 8 mars, des maillots, des bas, des shorts, des ballons et des boissons. Une remise de dons qui s'est effectuée dans une ambiance festive. De quoi rendre la fête de demain encore plus belle, pour ces femmes privées de libertés depuis plusieurs jours ou plusieurs mois pour certaines, ou plusieurs années pour d'autres. En dehors des visites solennelles comme celles reçues mercredi dernier, les femmes de ce pénitencier attendent impatiemment les trois jours de la semaine (mardi, jeudi et dimanche) où elles ont le droit de recevoir famille, amis et connaissances. Et ce, de 13h à 18h dans une salle spécialement aménagée pour les visites. Quand c'est le cas, un gardien de prison appelle la détenue qui se trouve dans sa cellule ou dans la cour. Cependant, en dehors de ces jours «officiels» de visite, il est toujours possible de s'y rendre. Cette fois-ci pour y effectuer une commission ou faire quelque chose de ponctuel. Parmi tout ce qu'elles reçoivent, les denrées alimentaires occupent une place de choix. Car les repas servis dans cette structure sont indigestes, car «mal cuisinés». Un risque auquel n'est pas exposée AM., à qui l'époux apporte à manger deux fois par semaine (jeudi et dimanche). Au-delà de la nourriture, elle reçoit également des provisions de l'homme de sa vie. Et cela dure depuis sept ans. Ici, A.M. fait partie des «Vip», puisqu'ayant toujours assez d'argent pour subvenir à ses besoins. Par contre, celles qui n'ont pas la possibilité de voir l'un des leurs, comme Béatrice Dougou (Cf. portrait), se résolvent à manger les repas «Made in Kondengui». Par ailleurs, elles sont souvent 3, 5, voire 10 à partager la même cellule. Compte tenu de l'exiguïté de l'espace, les lits en étage sont usités. Dans ce contexte, pas beaucoup de place pour la vie intime. Encore que c'est un sujet tabou. Même si, à travers certaines confidences, on saura qu'elle soudoie parfois les gardiens de prison pour quelques moments d'intimité avec leur «compagnon» détenu. Certaines ont comme amants, des gardiens de prison. C'est d'ailleurs pour cela qu'il n'est pas rare de rencontrer des femmes enceintes dans le pénitencier, en dehors de celles qui y sont entrées en état de grossesse. Côté activités, elles s'adonnent à la couture, à la broderie, au tricot, à la coiffure. D'autres sont même femmes de ménage. Toutes ces occupations sont génératrices de revenus. Elles profitent souvent de la journée du dimanche pour écouler leur marchandise. Pour ce qui est de la matière première nécessaire à la fabrication de ces produits, elle est généralement mise à leur disposition par les membres de leur famille. Celles qui n'ont pas cette opportunité se ravitaillent dans les «boutiques», dont l'identité du propriétaire se susurre au creux de l'oreille. Une infirmerie est ouverte pour tous les prisonniers. «On s'y rend quand on est malade. Mais, si on constate, c'est grave, on demande la permission de se faire accompagner à l'hôpital. Très souvent à l'hôpital central. C'est aussi le cas lorsqu'il s'agit des problèmes gynécologiques», précise une incarcérée. Cependant, les responsables de la prison centrale de Kondengui ont le pouvoir d'accorder ou pas des permissions, selon qu'on a en face de soi, une personne inoffensive ou non. En effet, la plupart de ces femmes sont en prison pour divers délits, notamment meurtre, vol, détournement, etc.




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