Cameroun - Joachim Tabi Owono: «Etoundi Oyono a égorgé deux bœufs en disant que c'est Tabi Owono qu'il égorgeait»

Par Michel Tafou | La Météo
Yaoundé - 21-Oct-2013 - 14h32   52332                      
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Candidat malheureux aux législatives dans le Nyong et So'o, le Président de l'Action pour la méritocratie et l'égalité des chances (Amec) revient sur les tripatouillages et pratiques insidieuses qui ont émaillé le processus électoral.
Quels sont vos sentiments au sortir du double scrutin du 30 septembre? Je dirai sans ambages que mes sentiments sont ceux de totale déception tant au niveau du scrutin, que du contentieux qui s'en est suivi. Il s'agit d'une totale négation de la démocratie, suivie d'un flagrant déni de justice. Vous n'êtes pas un peu trop dur? Pas du tout, au contraire. Tenez: les quatre candidats (titulaires et suppléants) de la liste Rdpc déclarée élue dans le Nyong et So'o s'appellent tous soit Atangana (de la famille Atangana Clément, président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême), soit Mbarga (de la famille Mbarga Nguélé Martin, Délégué Général à la Sûreté Nationale). Les quatre députés seront donc: deux Atangana, et deux Mbarga. Dites-moi si dans ces conditions, vous y trouvez encore une chance pour un Tabi, fils de planteur? Ces simples faits peuvent-ils justifier votre score à cette élection? Je vous apprendrai que les scores ont tout simplement été inversés. J'en veux pour preuve le résultat dans mon village natal, Nkolebae, où l'Amec a obtenu 52 voix contre 24 pour le RDPC. Hélas, c'est le résultat inverse qui est arrivé au niveau de Yaoundé. L'Amec a en fait gagné la majorité des suffrages à Dzeng, Mengueme, Ngomedzap, et surtout dans la ville de Mbalmayo où, les électeurs votaient Tabi Owono, soit parce qu'il est leur fils et frère qu'ils connaissent depuis l'enfance et qui était à sa troisième élection législative, soit parce qu'ils voulaient faire un vote sanction contre les investitures Rdpc vivement contestées. Des observateurs internationaux et même nationaux qui ont assisté avec nous au dépouillement dans nombre de bureaux de vote, Saint Rosaire, Djilo, Mbockoulot, Oyack..., peu-vent le confirmer. Mais en fin de compte, le procès-verbal définitif donne le Rdpc gagnant dans tous les bureaux de vote. Que l'Amec ait perdu dans chaco des g74 bureaux du département est pure chimère! Dans le PV de la Commission départementale de supervision qui nous est par¬venu, seule la synthèse par arrondissement et le total des suffrages étaient saisis par ordinateur, les chiffres sur les fiches récapitulatives des résultats par antenne communale étaient tous au crayon, et gommés en plusieurs endroits. On a donc décidé d'accorder d'abord un score rond de 10,00 % à l'AMEC, et de chercher les suffrages correspondants ensuite. Mais les équipes de campagne du Rdpc diront qu'elles ont mouillé le maillot! Ca dépend de quelle façon. Je vous apprendrai que dans la soirée du 29 Septembre 2013, M. Etoundi Oyono, crachant sur un mandat à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Yaoundé, accompagné de toute l'élite politico - administrative du Nyong et So'o et une batterie de marabouts, se sont donnés rendez-vous dans mon village natal à Nkolebae. Officiellement, ils y sont allés pour une soi-disant "veillée électorale" qui s'est étendue bien au-delà de minuit, heure légale de fin de campagne, et ne s'est arrêtée que le lundi 30 à 05h du matin! Ils y ont égorgé deux bœufs (dont ils ont curieusement ramené la viande avec eux), en expliquant aux villageois médusés, que c'est Tabi qu'ils égorgeaient ainsi. "Tabi se croit plus intelligent que nous. Il refuse de revenir dans le RDPC comme nous le lui demandons depuis. Il est un caillou dans ma chaussure" dira Etoundi, en faisant semblant de boitiller. Nous sommes venus détruire cette épine une fois pour toutes"! C'est grave... C'est pourtant la vérité, tout a été filmé. L'élite Rdpc s'est permis d'aller chercher à m'éliminer physiquement, par voie Mystique, dans mon propre village. Ces gens sont ainsi sciemment sortis du débat politique, pour une expédition guerrière. Je suis né à Nkolebae, j'ai été béni et oint par les grands-parents, j'y suis le Zomelo'o désigné. Je n'ai jamais, ni agressé qui que ce soit chez lui, ni fait de mal à personne. Au contraire beaucoup d'entre eux sont ce qu'ils sont aujourd'hui grâce à ma candidature à la présidentielle de 1997, quand le Nyong et So'o pleurait ses quarante ans sans Ministre et sans Directeur général. Mais depuis une vingtaine d'années, ils ne pensent qu'à me nuire (destruction Ide ma famille, de ma carrière professionnelle et politique), a toujours se mettre en travers de ma route, et à chercher à m'éliminer. Nos ancêtres Enoa étaient de valeureux guerriers, et je suis leur représentant direct. Etoundi et les siens ont choisi de venir les défier chez eux, de ressusciter les guerres tribales d'antan. Quant à Dame Atangana qui a pactisé avec eux, qu'elle n'oublie pas qu'elle-est Enoa, donc ma fille au plan traditionnel. Dans la tradition africaine, une fille n'arrache ni biens, ni titres à son père: elle les lui apporte. Chacun devra donc un jour ou l'autre répondre de ses actes! Pour vous, l'application du fameux article 49 par la Cour suprême qui fait couler tant d'encre et de salive, est-il un déni de justice? Pas du tout. La loi N° 2004/004 du 21-04-2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel n'est pas une nouveauté. Cet article avait déjà été exploité par la Cour suprême pour débouter tous les requérants, donc l'Amec, lors du contentieux des Législatives 2007. C'est pourquoi nous ne sommes plus retombés dans ce "piège". Ce sont les partis qui n'apprennent pas, ou encore les nouveaux partis qui se croient très forts pour apprendre des anciens, qui se sont fait prendre. D'une part, seul l'article 47 qui définit comment attaquer devant le Conseil les décisions d'acceptation ou de rejet de candidature (contentieux pré-électoral), renvoie aux "conditions pré¬vues par les lois électorales en vigueur". D'autre part, l'article 49 étant plus explicite sur les conditions de recevabilité, les articles 130 (4) et 133 (3) du Code Electoral de 2012 ne sont plus rentrés dans les mêmes détails, et ont simplement stipulé que: "sous peine d'irrecevabilité, la requête doit préciser les faits et les moyens allégués". Enfin, la nouvelle loi de 2012 en son article 297, abroge bien sûr les dispositions contraires de certaines lois, mais pas celles de la loi de 2004. Il n'y a donc pas contradiction, et ce n'était pas la faute du Conseil. C'est pour cela que je parle de "piège" du législateur RDPC! Certains partis ont aligné un collège de quatre voire six avocats pour plaider chacun 30 à 45 minutes, dans le seul but de démontrer que la loi querellée est mauvaise. Ça aurait pourtant été plus simple de mentionner les noms de ceux dont on conteste l'élection: ils étaient dans toutes les presses. En fin de compte, ce n'était que pure perte de temps à tout le monde, puisque le verdict était constant: irrecevable! Où est donc le déni de justice? Quand on a choisi d'appliquer froidement la Loi, il faut appliquer toute la Loi, et rien que la Loi. On ne saurait, de par la Constitution, "être la plus haute juridiction de l'Etat", "rendre justice au nom du peuple camerounais", et se limiter à appliquer qu'un seul article (49) d'une seule loi (2004/004)! Concrètement, l'Amec a d'abord demandé la disqualification de la tête de liste RDPC, pour cause d'inéligibilité. En effet, Mbarga Assembe Luc Roger, ex-receveur municipal de la Communauté urbaine de Yaoundé, n'était pas "régulièrement inscrit" sur une liste électorale, parce que "condamné pour crime" par la Chambre des Comptes de la même Cour Suprême: Arrêt définitif N° 83/D/S2 du 06/09/2012 le constituant débiteur de la somme de 254.465.331 francs; arrêt provisoire N° 85/P/S2 du 06/09/2012 pour quinze injonctions fermes d'un montant total de 2.293.760.369 francs, et; Arrêt provisoire N° 87/P/S2 du 10/08/2012 pour sept injonctions fermes d'un montant total de 3.373.704.805 francs! Cet argent a été utilisé pour corrompre à tous les niveaux du processus électoral. Mbarga Assembe devait ipso facto être déclaré inéligible, et disqualifié. L'Amec a ensuite demandé la disqualification de Mme Mekongo Hélène, épouse Atangana, conjointe d'un membre de la Cour suprême, président de la Chambre administrative, et Président de la Commission nationale de recensement général des votes (Cnrgv), pour rupture du principe de l'égalité de chances et violation de la neutralité et de l'impartialité du juge. C'est la même Cour Suprême qui avait créé une jurisprudence en 2002 (en faveur du même parti Amec), qui stipulait clairement que: "Chaque fois qu'il est porté atteinte au principe de l'égalité de chances, l'annulation de l'élection est justifiée" (Arrêt N° 37/CE/01-02 du 17/07/2002). Le Président Atangana se devait donc de décliner sa nomination comme Président de la Cnrgv, pour éviter d'être juge et partie! Ceci n'ayant pas été fait, le Conseil se devait de disqualifier la candidate Atangana. Qu'est-ce qui vous fait croire que le Conseil en a après vous? Les principes de l'égalité de chances, de l'égalité de tous devant la loi, et de l'impartialité du juge avaient été largement développés et expliqués par le même Premier Président de la Cour suprême dans ses allocutions lors des cérémonies de rentrées judiciaires 2010, 2011, 2012 et 2013 et dont je me suis largement inspiré. Le Premier Président concluait que: "La violation du principe de l'égalité de chances transforme le procès en parodie de justice et en un déni de justice". Le Conseil Constitutionnel a donc choisi de renier et la loi, et ses propres jurisprudences, dans le seul but de barrer la voie de l'Assemblée à l'Amec. Choisir Barrabas, et crucifier Jésus! La preuve que la Cour suprême en avait sûrement après l'Amec se vérifie clairement à travers l'ordre d'appel des requérants devant la barre. Conformément au numéro du recours qui conditionnait en fait cet ordre, l'Amec (Recours N° 103), aurait normalement dû passer en 7e position, le premier recours examiné ayant porté le N° 097. Hélas, notre recours sera curieusement classé dernier (N° 41) par le Greffe, et ne sera appelé à la barre que le lendemain à 4 h du matin, quand il n'y avait presque plus personne d'autre dans la salle. Lors du contentieux pré-électoral déjà, le recours de l'AMEC avait été, dans les mêmes conditions, classé N° 74 (et bon dernier), et appelé à la barre 35 heures après le début de l'audience! Ce qui est loin d'être un hasard, mais plutôt une brimade... Sans oublier que par le passé, et par deux fois, le Conseil avait eu à se déclarer "incompétent", alors que les recours de l'Amec étaient "recevables". Ce qui est une absurdité juridique, car de par la Constitution (Article 49!), "le Conseil statue dans tous les cas de saisine". Et alors, quelles solutions? Quel avenir pour l'Opposition camerounaise? La Justice a le devoir de prendre ses responsabilités devant l'Histoire, tout simplement, et ne plus choisir d'appuyer le Rdpc dans sa folie d'assassiner notre démocratie en vue de revenir à tout prix au parti unique. Elle doit aider le Président de la République dans le combat qu'il mène contre la corruption et les détournements, et non condamner certains, et accorder l'immunité parlementaire à d'autres! Pour le deuxième volet de votre question, le problème existentiel de l'opposition se pose avec plus d'acuité dans la zone ethno-tribale du Président Paul Biya que certains se croient en droit de qualifier de "fief du parti au pouvoir: les régions du Centre, du Sud et de l'Est. En effet, alors que les élites Rdpc des autres régions du pays, tout en combattant "leurs" opposants, évitent tout de même de les détruire, celles du "fief" font de la destruction systématique de toute opposition et de tout opposant, leur seule et unique feuille de route. Revenir au Rdpc, ou périr... Ça aurait coûté quoi au Rdpc d'accorder un siège de député à l'Amec ou quelques sièges de conseillers au jeune parti Grand Cameroun, comme cela a été fait ailleurs? Non, un seul béti sera candidat à la Présidentielle de 2018: celui qui est, qui était, et qui sera! Est-ce cela la démocratie? J'avoue qu'il m'arrive parfois de regretter l'ancienne époque... Comment ça? Avec le Président Ahidjo, on savait à quoi s'en tenir: c'était le parti unique et tout le monde savait qu'il ne fallait pas être "subversif". Le Président Ahidjo n'avait pas cherché à détruire les siens, au contraire. S'il l'avait fait, le régime en place aurait de la peine aujourd'hui à trouver des partenaires ou des interlocuteurs politiques valables dans le Grand-Nord. A son arrivée, le Président Biya a tout de suite déclaré qu'il souhaiterait qu'on se rappelle de lui comme celui qui a apporté la prospérité et la démocratie, et qu'il n'était plus besoin de prendre le maquis pour exprimer ses opinions. Ce n'était hélas, qu'un gros piège à cons, un appât destiné à mettre à découvert tous ceux qui dans son aire géographique auraient des velléités de penser autrement, pour ensuite pouvoir faire du tir sur cible. Les hommes politiques des autres groupes ethniques ne devraient pas accepter cela, car comme un jeune procureur de Mbalmayo l'avait affiché devant son bureau: "Ce monde est dangereux à vivre, non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire". L'épuration politique d'une ethnie ne sera avantageuse pour personne, et les Béti devraient éviter de mettre tous leurs œufs dans une seule corbeille, ou "s'abandonner aux rêves parce que la nuit parait interminable". En fin de compte, vous semblez bien pessimiste... Il y a de quoi. Mais je suis croyant, et je sais que chaque chose a son temps, et il y a le temps de Dieu. Aujourd'hui le temps du RDPC, demain le temps d'un autre. Rien n'est éternel ici-bas! Pour ce qui me concerne, j'ai joué ma partition. Mais je sais qu'un jour, Dieu demandera aux élites du Nyong et So'o en particulier et Béti en général: Qu'avez-vous fait de votre frère TABI Owono? Devant leur silence, Joachim leur dira, comme Joseph fils de Jacob à ses frères qui l'avaient vendu: «Vous avez voulu me faire du mal, Dieu en a tiré du bien"! Je sais que si telle est la volonté de Dieu, mon temps arrivera bien un jour. J'ai la foi que si Dieu m'a fait ressembler à Mandela dans la souffrance, il en fera de même dans la victoire finale. Et, comme l'a dit le Président Biya: «Il suffit d'y croire, et d'y croire jusqu'au bout!».




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