Nous avons rencontré le diplomate à l’issue de la journée qu’il a mise en place afin de réfléchir sur la problématique du rapatriement des dépouilles des compatriotes décédés ainsi que sur celle de l’entreprenariat des Camerounais sur le sol belge. Toujours au contact de «la colonie», il a accepté de nous entretenir sur cette journée et sur bien d’autres sujets.

M. Evina Abee
Photo: © Archives
Bonjour Excellence, on peut supposer que le fait de se retrouver ici aujourd’hui est une suite logique de ce que vous avez engagé quand vous êtes arrivé à Bruxelles ?
Effectivement quand je suis arrivé ici, à force de rencontres, j’ai pris le temps de découvrir et de m’imprégner des problèmes, de regarder comment vivent nos compatriotes. Comme je dis souvent, une ambassade c’est d’abord un travail consulaire à faire c’est à dire l’encadrement de la colonie. Dans cet encadrement, j’ai souligné deux problèmes qui me paraissent très importants. Le premier est celui du rapatriement des corps des compatriotes décédés ici. C’est difficile quand une famille perd un parent et elle n’arrive pas à assumer le rapatriement du corps. Vous savez, nous sommes des Africains et la plupart d’entre nous souhaitent être enterrés dans le sol de leurs ancêtres. Ce problème se posant de façon récurrente, nous avons réfléchi pour essayer de trouver des voies et moyens pour les rapatriements.
Le deuxième thème que nous avons mis sur la table aujourd’hui était celui des indépendants. Là aussi, nous avons une colonie importante qui fait dans les affaires, nous essayons donc de créer une sorte de réseau qui va permettre aux uns et aux autres de se connaître et de s’épauler et comme je le dis toujours, pour leur propre épanouissement.
Etes-vous satisfait de ce qui ressort de la journée d’aujourd’hui ?
Satisfait, oui. Vous avez vu l’affluence et surtout le niveau des débats, la passion ? Les gens ont été interpelés, ils ont réagi, ce qui veut dire que les thèmes que nous avons choisis étaient bien choisis. Je remercie ici tous ceux qui ont pris leur samedi pour venir débattre. Je suis satisfait sur tous les plans.
Vous avez évoqué les points qui ont été traités au cours de cette journée, s’il fallait en tirer un, ce serait lequel pour vous ?
Nous avons passé cinq heures de temps à débattre sur des sujets qui sont pour moi tous intéressants. J’aimerais insister ici sur le suivi. Il y a des esquisses de solutions qui ont été apportées. Prenons l’exemple du monde des affaires : il me tient à cœur la mise en place d'une sorte de réseau entre les juristes, les conseillers, les experts comptables et les hommes d’affaires. Les uns connaissent la législation belge, les autres prennent des initiatives et c’est mieux qu’ils s’épanouissent en s’apportant une aide mutuelle.
Pour les rapatriements des corps, il n’y a pas débat. C’est devenu une nécessité.
Excellence, quand on regarde les participants à cette journée, on remarque qu’ils étaient, dans leur grande majorité, des « bi-nationaux » (des Belges d’origine camerounaise), nous faisons donc le constat qu’ils restent concernés par le Cameroun. Est-ce que c’est le même constat que vous faites dans votre travail de tous les jours ici à Bruxelles ?
Le fait déjà qu’ils assistent à nos initiatives, on n’est pas myopes. Pour moi ils se sentent Camerounais et je tiens compte de leur présence.
Au niveau de l’ambassade par exemple, lorsqu’ils viennent prendre le visa chez nous, ils le savent : ils ne remplissent que le formulaire, les photos et les frais. Je ne leur demanderai pas de nous apporter une attestation d’accueil. Quand j’ai un Kamdem ou un Essomba, malgré le passeport belge, qui me dit qu’il va au Cameroun, je sais qu’il va chez lui.
Je sais qu’il y a certains qui ont pris cette nationalité par commodité, d’autres par nécessité pour X ou Y raisons ; le fait déjà de participer aux activités de l’ambassade, pour moi ce sont des Camerounais et comment voulez-vous que je les rejette ? Et quand je parle aux Camerounais, je ne fais pas de différence entre « d’origine », « de souche ». Je parle des Camerounais et ils sont là, ils interviennent, nous échangeons, nous débattons : je ne regarde pas la carte d’identité.
Vous êtes convaincu qu’ils sont une plus-value pour le pays ?
Nous ne l’avons jamais rejeté ; prenons l’exemple des médecins : nous pouvons reconnaître aujourd’hui leur apport au niveau du Cameroun. Nous avons un certain nombre d’accords que nous avons signés avec les universités belges, tout simplement parce qu’il y a des Belges d’origine camerounaise qui y sont et beaucoup aujourd’hui donnent des cours dans des facultés de médecine au Cameroun. Cet apport, personne ne peut le nier.
C’est parfois par la force des choses que certains sont restés ici. Au temps de l’ajustement structurel par exemple, le gouvernement n’a peut-être pas eu les moyens de recruter ces anciens boursiers et par désespoir de cause ils sont restés ici. Mais je peux vous le garantir et je le ressens quand je les rencontre, ils ont envie de faire un retour d’ascenseur parce qu’ils reconnaissent ce que le Cameroun a fait pour eux et veulent le rendre à leur pays.
Excellence, tant dans votre mot de clôture que pendant cet entretien, vous avez à chaque fois parlé de suivi. On suppose que d’autres initiatives seront mises en place...
Je suis conscient du fait que chacun a ses occupations, mais nous essayons, au niveau de l’ambassade, de mettre en place un moment pour qu’on se retrouve ensemble et débatte de certains problèmes. Aujourd’hui c’était le problème de rapatriement et celui de l’entreprenariat, il y a quelques temps c’étaient les médecins. Nous rencontrons régulièrement les étudiants… A l’ambassade nous essayons de créer un maillage pour voir ce que les uns et les autres peuvent apporter à notre pays.