Cameroun - Téléphonie mobile: La technologie 3G suscite des appétits

Par Omer Mbadi Otabela | Repères
- 04-Jul-2012 - 08h30   53873                      
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Le ministère des Postes et Télécommunications compte attribuer la troisième licence avec cette technologie en prime au prochain postulant. Les opérateurs existants sont aussi intéressés. Un choix assumé qui vise à corriger le duopole et risque aussi de déséquilibrer le marché local de la téléphonie.
L'avis d'appel à manifestation d'intérêt du 28 mai 2012 a relancé le débat. Cet avis invite les opérateurs intéressés à se manifester pour obtenir la troisième licence de téléphonie mobile. Cerise sur le gâteau, le nouvel entrant bénéficiera du droit d'utiliser la technologie de troisième génération (3G) en exclusivité. Dans une interview à Cameroon Tribune, en mars dernier, le ministre des Postes et Télécommunications (Minpostel) soulignait que cette option gouvernementale; qui doit se matérialiser avant la fin de l'année, doit, entre autres, «stimuler la pénétration de l'Internet haut débit à travers l'introduction des réseaux 3G.» Par la suite, Jean-Pierre Biyiti bi Essam dévoilait un pan du cahier de charges de l'heureux élu: une mise de départ de 100 milliards de francs Cfa et 40 milliards d'investissement annuel jusqu'en 2016 pour se mettre à niveau et flirter avec la rentabilité. L'avis confirme le propos ministériel en exigeant des fonds propres de l'ordre de 100 milliards F Cfa (200 millions de dollars). Si, au Minpostel, on se montre peu disert sur l'identité d'éventuels candidats, quelques noms circulent tout de même. En décembre dernier, l'hebdomadaire Jeune Afrique faisait état de la volonté des autorités camerounaises de mettre les locaux hors jeu dans la course à la 3G, tout en révélant l'intérêt de l'indien Bharti Airtel, de l'émirati Etisalat et sa marque Moov, ou du fonds suisse Glenar à travers sa filiale Ringo. Récemment, se seraient ajoutés Monaco Télécoms et l'opérateur vietnamien Viettel. En s'adressant aux opérateurs n'opérant pas au Cameroun, l'avis à manifestation d'intérêt en vue de la sélection des postulants exclut les acteurs locaux pourtant intéressés par les possibilités qu'offre la 3G. Par ailleurs, des fournisseurs d'accès Internet ne cachent pas leur intérêt pour cette technologie qu'autorise désormais la loi sur les communications électroniques de décembre 2010. C'est la raison pour laquelle les opérateurs présents craignent un déséquilibre du marché du fait de l'attribution sélective de la 3G. Crainte d'autant justifiée que, d'après des avis informés, les revenus générés par les appels téléphoniques diminuent au fil du temps, poussant les acteurs à explorer des services engendrant de substantiels profits. En favorisant la fourniture des services de données (Internet, courrier électronique...) à un débit plus rapide que celui qu'offre la 2G – des appels vidéos ou de la voix sur Skype par exemple, seront possibles, la nouvelle technologie donne un avantage indéniable par rapport à la concurrence. «En se positionnant comme un opérateur 3G, le nouvel entrant pourra rapidement attirer les utilisateurs des services de données sur les réseaux 2G qui, à présent, pour environ 5% du parc mobile camerounais, ont déjà des téléphones compatibles», souligne Thécla Mbongue, analyste au cabinet international Informa Telecoms & media group. Les perspectives dans ce domaine sont prometteuses. En 2010, le taux de pénétration d'Internet au Cameroun était de 2%, alors que la moyenne continentale se situait à 4,72%. Pourtant, l'amélioration de ce chiffre provoquerait un gain indéniable. «Une augmentation de 10 abonnés à Internet pour 100 habitants, pourrait induire une croissance du PIB par tête de 0,59% dans un pays en développement comme le nôtre», éclaire, le 21 avril 2011, au Gicam, Jean-Claude Ottou, alors directeur général adjoint de MTN Cameroon. «UN MONOPOLE PROVISOIRE» Le déploiement prochain de la 3G suscite un débat. D'après un observateur, la 3G, avec ses énormes potentialités multimédias, n'est qu'une prime pour intéresser davantage des postulants qui, sans cela, ne trouveraient pas le marché camerounais attractif, les acteurs présents ayant en quelque sorte saturé le marché de la téléphonie mobile. Une opinion balayée au Minpostel. Le choix d'établir «un monopole provisoire» sur la 3G s'explique par la volonté de corriger un duopole assez lucratif pour les deux opérateurs. «Le gouvernement, en attribuant une licence 2G avec une bande de fréquences pour la 3G, veut susciter l'émulation afin de provoquer plus de concurrence et baisser les prix», analyse une source non autorisée. En outre, l'on excipe que les bandes de fréquences 3G en tant que ressources rares, doivent être valorisées comme n'importe quelle matière première stratégique, comme le pétrole ou l'or. Toutefois, l'approche camerounaise d'octroyer des licences selon les fréquences suscite de l'incompréhension. «La classification du niveau de génération (2G, 3G, 4G) ne dépend pas des fréquences octroyées, mais de la technologie déployée, tient à clarifier Thécla Mbongue. C'est en général l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) qui classe les technologies selon les générations. La 3G inclut les technologies WCDMA et CDMA EVDO. Cette dernière technologie 3G est déjà en service au Cameroun sur le réseau de la Camtel. L'avis à manifestation d'intérêt du 28 mai donne l'impression que l'appellation 3G ou 4G est fonction des fréquences attribuées. Les fréquences permettent juste l'utilisation de la technologie de manière optimale. L'Internet mobile offert aujourd'hui par la Camtel via la technologie EV¬DO est de la 3G, l'Internet offert, par exemple, par YooMee est au moins du 3.75G (selon la version WiMAX qu'ils utilisent.).» Pour l'analyste, la démarche gouvernementale devrait évoluer. «Attribuer des licences en fonction des générations devient obsolète, vu l'évolution rapide des technologies, constate Thécla Mbongue. Il aurait été plus juste de parler d'allocation de fréquences supplémentaires aux opérateurs pour fournir tel ou tel service de manière optimale. C'est ce qu'ont compris les autorités en charge des télécommunications dans d'autres pays d'Afrique comme le Nigeria, le Kenya, l'Ouganda, la Tanzanie ou toute l'Afrique australe, en migrant vers un régime de licences neutres en matière de technologies. Va-t-on créer un appel d'offres chaque fois que les technologies évoluent vers d'autres générations et favoriser la récolte certes, de recettes temporaires pour l'Etat?» Au nom des opérateurs de la téléphonie mobile, Jean-Claude Ottou plaidait l'année dernière, au dîner débat du Gicam, entre autres pour «l'attribution de licences 3G aux opérateurs existants afin de renforcer davantage leur compétitivité.» Le Minpostel rassure: «Cela va suivre après la période de monopole transitoire.»




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