Le chef supérieur du groupement Bamendjinda vient de commettre un ouvrage qui balade le lecteur au cœur de la culture, des lieux ésotériques et du dynamisme des chefferies traditionnelles de l’Ouest.
Sa Majesté Jean Marie Tanefo, chef du groupement Bamendjinda, dans le département des Bamboutos, vient de commettre un ouvrage intitulé «La chefferie traditionnelle: hier, aujourd’hui et demain». La formule retenue pour la transmission de son savoir aux générations futures est l’entretien avec Théophile Tatsitsa, entrepreneur culturel, écrivain et chercheur. Sur les 21 thèmes développés dans cet ouvrage, on note entre autres l’origine des chefferies; la transmission du pouvoir traditionnel (les articulations perceptibles de l’école initiatique du La’a Kam); les sociétés coutumières, magico-religieuses et la caste des esclaves chez les Bamendjinda ; la foi et la religion traditionnelle. Vampirisme, totems et tabous; la quête de Dieu sur le chemin des ancêtres et de la modernité ne sont pas en reste. Sorti de la maison d’éditions Cognito en mai 2011 et préfacé par sa Majesté Alim Garga Hayatou, Lamido de Garoua et président de l’Assemblée des chefs traditionnels du Cameroun, le livre issu de la collection «Retour aux sources» compte 244 pages, avec de nombreuses illustrations et 36 proverbes.
La photo de la première de couverture informe déjà à suffisance sur le contenu de l’ouvrage. On voit le chef Jean Marie Tanefo assis sur un trône, avec tous ses attributs, et entouré de deux de ses serviteurs. Ce qui est en fait l’incarnation du pouvoir traditionnel en pays Bamiléké. «On peut dire que la chefferie traditionnelle a été construite à l’image et à la ressemblance du corps humain dans toutes ses composantes. Pour en faciliter la compréhension, nous pouvons présenter le corps en trois grandes parties: la tête comme le corps sommaire, le tronc avec les bras comme le corps central et les membres inférieures comme le support», fait observer Jean Marie Tanefo. A l’en croire, le dynamisme des peuples Bamiléké est à l’image de ses chefferies traditionnelles. Au sujet de la transmission du pouvoir, il fait savoir que le successeur du chef, après son arrestation, «est conduit à la forêt sacrée pour y subir des tests particuliers. Après quoi, il prend le titre de Moh Nkam et c’est alors que commence sa préparation pour son initiation qui aura lieu à La’a Nkam. L’Initiation commence dès le lendemain de son arrestation… traditionnellement, la durée du La’a Kam est la même partout en pays Bamiléké et dans d’autres traditions les plus anciennes du monde. La durée de l’initiation est de neuf «Ngap Mbi ». Soit 72 jours ou 9 semaines et 8 jours».
Des explications de l’auteur de l’ouvrage, on retient que les sociétés coutumières magico-religieuses (le Kwifo) font partie des institutions politiques fortes et les plus importantes de la chefferie Bamendjinda et représentent le pouvoir exécutif du gouvernement traditionnel. Le Kwifo par exemple est le symbole de la souveraineté qui agit au nom du peuple, protège la tradition, assure le respect de l’ordre et fait des libations protectrices en cas de situations, de désastre menaçant la population. «Ce sont les vampires et les totems qui ont développé la médecine traditionnelle. Le vampirisme c’est un pouvoir que Dieu avait donné à la femme pour soigner les malades. Le totem c’est un pacte que l’on noue avec l’animal. Le totem a été copié sur le vampire. Mais comme l’homme a la possibilité de décider, certaines personnes utilisent ce pouvoir pour faire du mal. Le pouvoir de vampire se transmet de mère en fille ou de mère en fils par le billet du cordon ombilical. Les familles de vampires se multiplient rapidement et sont très compétitives sur tous les plan», tranche le chef.
Dans la postface, Patrice Kayo argue que «de toutes les études faites sur les chefferies et les civilisations bamiléké, aucune, à notre connaissance, n’est l’œuvre d’un chef traditionnel. C’est dire l’intérêt et l’importance de cette œuvre qui vient de source». De quoi donner davantage du crédit au livre qui mérite d’être lu et relu.
Né le 10 mai 1955 à Bamendjinda, sa Majesté Jean Marie Tanefo succède à son père, Lucas Ngouo, en juin 1965. Vu son jeune âge, il ne peut prendre directement le commandement. Il est alors confié au chef supérieur Baleng dans le département de la Mifi. Pendant 10 années, il va recevoir une éducation et une formation appropriées sur le plan traditionnel et coutumier. Le 21 septembre 1975, il est intronisé comme chef supérieur des Bamendjinda. Délégué des chefs traditionnels dans le Programme La route des chefferies, Jean Marie Tanefo est également président du conseil supérieur dans l’Institution de l’Ecole Cantonale Africaine.