Collecte: Le système D dans la collecte des ordures

Par | Le Messager
- 21-Nov-2007 - 08h30   53905                      
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Des pans entiers des quartiers de Douala sont à l’écart de la collecte. Reportage à Bonabéri, Bépanda et Ndogpassi.
“ Les camions Hysacam ne passent jamais dans notre rue. Nous avons donc créé une décharge sauvage où tous les riverains déversent les ordures ménagères. Une fois cette décharge pleine, nous brûlons les déchets. Voilà comment nous procédons ici ”. Mathurin Mafoko habite le Centre équestre, exactement au lieu dit Phono plus, à Bonabéri. La route qui mène jusqu’à ce lotissement est un calvaire pour les quatre roues, y compris pour les poids lourds. Seules les motos peuvent s’y aventurer sans crainte. On comprend donc que les véhicules de la société d’Hygiène et salubrité ne se hasardent guère par-là. Une situation qui pousse les populations de ce secteur à se débrouiller pour se débarrasser de leurs ordures ménagères. Même lorsqu’il est écrit “ Interdit de jeter les ordures ”, les déchets s’amoncellent chaque jour, avant d’être mis en feu. Et tant pis pour les risques encourus du fait de la dispersion des gaz toxique dans le ciel : “ Ces déchets servent d’engrais naturel. C’est pourquoi le lieu est aussi une zone de plantations de bananiers ”, explique Mathurin avant de reconnaître : “ Si les camions d’Hysacam passaient dans notre zone, il n’ y aurait pas de décharge sauvage ”. Incongruité A quelques jets de pierre du Centre équestre, du côté de Komba et de Mabanda, d’autres populations vivent la même situation. Comme Maurice, conducteur de moto taxi : “ Je vis derrière Perfusion bar, à Mabanda, depuis 7 ans. Je n’ai pas vu Hysacam faire la collecte des déchets dans mon quartier. Tout le monde s’en débarrasse dans la nature, dans la rue. Ça sert à boucher les nombreux trous que l’on peut voir un peu partout. Ce n’est pas du tout beau à voir, l’environnement s’en ressent ”. Rosine Dejiang est étudiante. Elle est domiciliée Nouvelle Route 7ème à Bépanda. Elle déplore, elle aussi, le passage irrégulier des véhicules de la société d’Hygiène et salubrité du Cameroun : “ Depuis que la route est en travaux, les véhicules d’Hysacam n’arrivent plus jusqu’au quartier. Ils doivent contourner, faire la boucle. Une sérieuse difficulté qui explique probablement le découragement pour le ramassage et la collecte ”. Elle poursuit : “ Les déchets peuvent rester deux à trois jours sans être enlevés. Et les animaux se font la fête. Chiens et chats éventrent les sachets, traînent les ordures sur plusieurs mètres. C’est tout le quartier qui sent mauvais. C’est très pénible ”. Et Rosine de conclure : “ Cette situation donne une mauvaise image de l’environnement en même temps que qu’elle enlaidie le paysage. Il y a urgence que les camions d’Hysacam reprennent les heures régulières de passage ”. Enfin, une partie du secteur Ndogpassi est confrontée à l’inaccessibilité des véhicules de propreté : “ Nous sommes un peu les laissés pour compte de la collecte des ordures ménagères et de l’assainissement. Nous pensons que les zones enclavées comme les nôtres ne sont pas concernées par les opérations de propreté. C’est pourquoi nous balançons les poubelles dans la rue. Nous savons que ce n’est pas très agréable. Mais que faire ? ” S’interroge Michel Mbakop, commerçant qui habite un petit kilomètre derrière le marché de Ndogpassi. Alors que la société d’Hygiène et salubrité du Cameroun se targue d’avoir un matériel roulant sous-utilisé, de nombreux secteurs de la ville de Douala semblent abandonnés à eux-mêmes quant au ramassage des déchets ménagers. L’enclavement de ces zones, les travaux de réfection de certaines routes et le manque de volonté des populations pour transporter leurs poubelles jusqu’aux points de collecte…Autant d’éléments qui expliquent cette incongruité. Jean-Célestin EDJANGUE

Emmanuel Ngnikam:“ On ne peut plus envisager une collecte d’ordures sans bacs”

Docteur en sciences et techniques de déchets, et co-auteur avec Dr Emile Tanawa, de l’ouvrage “ Les villes d’Afrique face à leurs déchets ”, il explique pourquoi Yaoundé ne peut se passer des bacs à ordures et préconise des méthodes alternatives. Peut-on envisager une ville comme Yaoundé sans bacs à ordures dans la rue ? Yaoundé sans bac à ordures pour l’instant, et pour un horizon lointain n’est pas envisageable. Ce pour deux raisons principales. La ville de Yaoundé n’a pas de route. On est à moins de 15 Km par hectare urbanisé. En urbanisme, le ratio optimal c’est autour de 40 Km de route /ha urbanisé. Avec ce déficit criard de voirie, il y a des zones qui ne sont pas accessibles par camion. La seule possibilité pour ces personnes-là de pouvoir être desservies, c’est qu’elles puissent verser leurs ordures dans un bac placé à un endroit accessible par camion. L’autre raison tient du fait que les quartiers de Yaoundé ne sont pas construits de la même façon. Il y a les quartiers dits à habitats spontanés, où les habitants sont à plus de 400 voir 500m des routes carrossables. Le porte-à-porte n’y est pas envisageable. Pour celui qui a la volonté d’enlever ses déchets, s’il entend même le klaxon du camion, il n’arrivera pas en route à temps. Il faut aussi relever que tous les ménages n’ont pas quelqu’un à la maison en permanence. Les parents travaillent et les enfants vont à l’école. Les périodes de production d’ordures chez ceux-là ne correspondent pas toujours à la fréquence de passage des camions. Donc le bac à ordures leur permet de faire sortir leurs ordures, avant le passage du camion. Pour ces principales raisons, on ne peut pas envisager, même à moyen terme, de faire une collecte des déchets sans bac. Le porte-à-porte n’est envisageable que pour certains quartiers. A condition que les ménages soient accessibles, et qu’il y ait un accompagnement social en terme de communication et de sensibilisation. La collecte d’ordures par la méthode du porte-à-porte semble pourtant réussir en Occident et dans quelques villes d’Afrique… En Afrique subsaharienne, je ne connais pas de ville qui ne fasse que le porte à porte. Parce que la description que j’ai faite de Yaoundé est valable pour ces villes. Dans les villes européennes où le porte à porte est privilégié, ils ont réuni deux atouts assez forts. Chaque ménage y a une adresse ce qui suppose qu’ils sont accessibles par véhicule. Les communes y ont pu convaincre les habitants, de sorte que chaque habitation a une poubelle normalisée ; munie d’un couvercle. Une telle poubelle permet de stocker les ordures à la maison sur une période relativement longue, et sans trop de risques. Ce qui est loin d’être le cas chez nous. Ici vous ne pouvez pas stocker les déchets pendant plus de deux jours sans être gêné par les odeurs. C’est pour ces raisons que le porte à porte marche en Occident. Jusque-là, ils combinent avec les bacs. Tous les lieux qui peuvent rassembler des personnes ont des bacs. C’est aussi le cas à l’entrée des immeubles collectifs. Quelle est, à votre avis, la solution pour une bonne maîtrise des déchets ? La meilleure façon de maîtriser nos déchets, c’est d’abord de pouvoir les collecter convenablement. Si on peut sortir toutes les ordures produites, et les stocker à un endroit bien maîtrisé à l’abri des impacts sur l’environnement. Le reste en termes de valorisation et de traitement vient après. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas encourager les initiatives. En le faisant, il faut être conscient que ces initiatives ne peuvent traiter qu’une partie des déchets que nous produisons. Sachons d’abord bien les collecter, et bien les mettre en décharge. Déjà dans notre contexte, malheureusement, on n’a pas de décharge. En dehors de Yaoundé qui peut se prévaloir d’une décharge acceptable, aucune ville du Cameroun n’en a une. Même pas Douala. Que faut-il justement faire, pour optimiser cette collecte des ordures ? Si on veut arriver à sortir l’essentiel de nos déchets, il faut qu’en plus du travail fait par Hysacam, qui est louable et indispensable, on allie des opérateurs qui n’ont pas les mêmes moyens d’intervention, et qui puissent aller chercher les déchets dans les quartiers avec des moyens beaucoup moins performants que les camions. Notamment les pousse-pousse et le transport manuel. Il y a déjà quelques initiatives du genre sur le terrain. Je pense qu’elles méritent d’être soutenues par les pouvoirs publics. Edouard TAMBA

De nouvelles armes pour la salubrité à Douala

Le parc automobile de la société d’hygiène et de salubrité (Hysacam) s’est agrandi. En partenariat avec le gouvernement camerounais, Hysacam témoigne l’importance qu’il accorde à la protection de l’environnement et de la défense de la nature. Vendredi 16 novembre 2007, le ministre du développement urbain et de l’habitat, Clobert Tchatat a présidé la double cérémonie de présentation de 80 nouveaux camions et d’inauguration du nouveau siège de la société Hysacam. Les nouveaux camions sont de cinq types (Bennes, grue, compacteuse, balayeuse…). Ils permettront de faire une plus grande collecte de déchets dans les différents quartiers de la ville de Douala et où elle est implantée. La collecte des déchets, le balayage des rues, la propreté des places et marchés, le criblage des plages et le traitement des ordures ménagères. Un contrat que Hysacam va davantage honorer. “ Les populations ne comprenaient pas pourquoi à certains endroits les ordures n’étaient pas ramassées. La capacité d’Hysacam ne dépassait pas 800 tonnes à Douala, alors qu’on n’était à 10.000 tonnes de déchets. Nous avons pu obtenir cette dotation. Nous interpellons chacun à veiller à la propreté de son environnement ”, affirme Fritz Ntoné Ntoné. Assises des déchets Jusqu’ici, la société Hysacam ne collectait que le tiers des ordures produites. Le directeur général d’ Hysacam reconnaîtra que la collecte est très insuffisante et bien en dessous de la moyenne. Il entend remonter la moyenne. “ En faisant l’acquisition de ces 80 camions, nous prenons l’engagement de mieux servir les villes dans lesquelles nous sommes implantés. Ce travail ne peut avoir d’effet, que si les populations se mobilisent. Votre présence dans ces lieux témoigne l’intérêt que chacun d’entre vous a de la protection de l’environnement. ” Le partenariat entre Hysacam et l’Etat date de 1979. Lorsque Hysacam se voit confier la propreté de la ville de Yaoundé, siège des institutions. C’est dire si la société est un outil de travail qui s’inscrit dans le combat pour l’amélioration des conditions de vie des citadins, en participant à la lutte contre la pauvreté par le plein emploi. Catherine Aimée Biloa




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