Depenses: Les salaires princiers des cadres de la BEAC

Par Sylvain Andzongo | Repères
- 22-Sep-2010 - 08h30   116142                      
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Pour les mêmes compétences que celles de leurs collègues de la Banque des Etats de l'Afrique de l'ouest (Bceao), la grille salariale des cadres supérieurs de la Banque des Etats de l'Afrique centrale (Beac) est multipliée par quatre au moins...
La Banque des Etats de l'Afrique centrale (Beac) emploie 300 cadres supérieurs. Une réalité qui peut susciter des appréhensions du fait de la qualité de la masse salariale en comparaison avec les rémunérations pratiquées dans une institution sœur comme la Banque des Etats de l'Afrique de l'ouest (Bceao), où l'on retrouve pratiquement les mêmes profils de compétence et plus de résultats probants. À titre d'exemple, au moment où le gouverneur de la Beac gagne mensuellement 30 millions de FCFA, son collègue de la Bceao en gagne 9, soit 3 fois moins. Un vice-gouverneur et le secrétaire général de la Beac ont 20 millions de FCFA de rémunération chacun tandis que le vice-gouverneur de la Bceao, lui, se contente mensuellement de 5 millions de FCFA. Même les trois directeurs généraux de la Beac ont trois fois le salaire du vice-gouverneur de la Bceao, soit 15 millions de FCFA chacun tous les mois. Somme toute, les six hauts cadres de la Beac sont mensuellement rétribués à hauteur de 130 millions de FCFA. Des traitements auxquels il faut ajouter d'autres avantages à l'instar des hôtels particuliers. Un cadre d'encadrement supérieur de la Beac perçoit environ 2 millions de FCFA (y compris les salaires du 13e et 14e mois) par mois alors que celui de la Bceao de grade équivalent a droit à un million de FCFA. LE «PETIT PERSONNEL» CRIE AU SCANDALE Juste avant le sommet de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cornac) en novembre 2009 à Bangui, en République centrafricaine (Rca), le «petit personnel» de la Beac s'est plaint auprès des chefs d'État de la sous-région. Dans une lettre ouverte, ces travailleurs en bas de l'échelle se sont dits victime du «système d'apartheid qui continue de régner a la Beac en plein 21e siècle alors que le monde croyait l'avoir banni en Afrique du Sud pour toujours.» Le «personnel ou agents des clauses et conditions générales (Accg)» dit ne pas comprendre pourquoi l'Afrique centrale et la sous-région Cemac acceptent de s'inspirer «du régime de la caisse de retraite en vigueur en Afrique de l'Ouest à la Bceao, des codes de déontologie en cours dans d'autres pays, cependant, dès qu'il s'agit du statut du personnel, la convergence de vues disparait instantanément.» Les Accg rappellent que la Bceao a adopté, depuis 1974, le statut unique pour tout son personnel, sortant de l'ancien régime colonial qui répartissait le personnel en 2 catégories: les cadres supérieurs (expatriés français et quelques rares cadres noirs) et le personnel local (essentiellement constitué par le petit personnel indigène). Mais, dénonce, le petit personnel, à «la Beac, les remplaçants des colons, nos propres frères noirs (cadres africains) ont préféré maintenir ce joug pour bénéficier de tous les avantages liés a ce statut, s'érigeant ainsi en nouveaux négriers, nouveaux maitres de leurs frères esclaves (personnel ou agents des clauses et conditions générales), nouvelle appellation du personnel local.» Les subalternes dans leur revendication révèlent qu'ils «n'ont pas droit à un plan de carrière pour leur évolution dans l'entreprise comme cela se passe partout ailleurs». Les promotions internes n'ont pas une traçabilité objective donc, dépendent essentiellement des «humeurs des patrons». La conclusion des agents de la Beac peint un tableau sombre à l'institution monétaire. «Mais à la Beac, celui-ci [le petit personnel] n'a droit à aucune considération, c'est la raison pour laquelle, lors de la signature des nouveaux accords de siège, ces petits agents ont été exclus des privilèges dont pouvaient bénéficier les agents de la Beac à travers cette convention.» Par ailleurs, les commanditaires de la lettre de revendication attirent l'attention des Chefs d'État, une «autre aberration» relevant du fait que dans la même institution il a été convenu «d'exonérer les revenus des cadres supérieurs qui gagnent des gros salaires et de maintenir le calcul des impôts sur les revenus des petits agents DES CADRES GRASSEMENT PAYÉS MAIS... DES RÉSULTATS MITIGÉS C'est désormais un secret de polichinelle. Au mois d'août 2010, un «comité de rémunérations» a effectué un audit au siège de la Beac à Elig-Essono, à Yaoundé. Ledit comité, ordonné par les chefs d'État de la Cemac lors du sommet extraordinaire du 6 juin 2010, avait pour mission entre autres de revoir les salaires de l'ensemble du personnel de cette structure et de porter son regard sur les maux qui créent le déficit croissant de cette banque d'émission. Les premiers rapports sont alarmants. Le «comité de rémunérations» veut voir clair sur le 1,6 milliard d'euros (environ 1048 milliards de FCFA) placés à Paris et dont la rémunération pose d'énormes soucis à la direction de la banque depuis le dernier trimestre de 2009. Selon la partie française, si le taux d'intérêt de cette enveloppe est passé de 2,75 à 1%, il faut y voir les effets de la crise financière internationale. Soit une baisse de 60%. Les comptes de l'institution financière se trouvent, dès lors, fortement perturbés. Pour l'exercice 2009, la Beac a enregistré un déficit de 29 milliards de FCFA. Au 30 juin 2010, ses pertes sont évaluées à 31 milliards de FCFA. Une situation qui a obligé le Fonds monétaire international (Fmi) à suspendre, courant juin 2010, ses décaissements en faveur des pays de la Cemac. Motif: «graves perturbations survenues dans la gouvernance de la Beac». À sa nomination, le 17 janvier 2010, au terme de la conférence des chefs d'État de la CEMAC à Bangui, l'Equato-guinéen, M. Lucas Abaga Nchama avait reçu la délicate mission de restauration de la rigueur dans la gouvernance de la Beac. Il s'agissait de refaire l'image d'une institution ternie suite à des détournements massifs d'u montant de 30 millions (plus c 19 milliards de FCFA) par cadres même de la Beac. Le «Rapport provisoire d'enquête sur les détournements de fonds au Bureau extérieur de Paris» est achevé le 20 juillet 2009 et déposé sur le bureau du gouverneur. Le document donne des noms et dévoile une première liste de chèques frauduleux. L'ancien patron de la Beac (1990- 2007), M. Jean-Félix Mamalepot, est sur la sellette. Dans la foulée, son successeur, M. Philibert Andzembé est limogé. Plus récemment encore il y a eu l'affaire d'un «trop perçu de 7 milliards de FCFA» dont la Guinée Equatoriale a bénéficié. Suite à des «erreurs» que le Cameroun et la République centrafricaine ont reconnues, et pour lequel ces deux pays ont remboursé, en mai 2010, le surplus encaissé. Les Trésors publics camerounais et centrafricain ont respectivement encaissés 8 et 3 milliards de FCFA par le biais des opérations de transferts de fonds effectués par la Beac, à partir du compte des générations futures alimenté par tous les pays membres de la Cemac. Le 26 août 2010, Malabo a exigé quant à lui qu'une mission de recouvrement de la Beac se rende en Guinée équatoriale. Ladite mission conduite par le vice-gouverneur de la Beac travaille en collaboration avec la mission de la banque centrale et les cadres du Trésor de Guinée Equatoriale. C'est à l'issue de leurs travaux de vérifications que le rapport commis à cet effet sera remis au ministre équato-guinéen des Finances, M. Engonga Edjo, qui le transmettra ensuite au président de la République, M. Teodoro Obiang Nguema. Ce n'est que ce dernier qui va décider en dernier ressort de l'opportunité de rembourser du trop-perçu s'il y a lieu.




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