Education : Les langues maternelles au programme

Par | Mutations
- 02-Mar-2009 - 08h30   68114                      
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La loi d'orientation vise à vulgariser l'enseignement de des dialectes dans les établissements secondaires.
Célébrée tous les 21 février de chaque année, la langue maternelle s'est faite une place au sein de l'opinion internationale. Au sein de l'Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), les objectifs sont clairs: "Promouvoir les langues maternelles qui risquent de disparaître. La moitié des langues parlées dans le monde est en voie de disparition et il est question de les promouvoir afin qu'elles résistent au temps", explique Marie Noelle Ntouba Ngollè, inspecteur régional des langues pour le Littoral. Cette journée a été décidée par l'Onu afin d'encourager la pratique de nos langues nationales, qui tendent à disparaître au profit des langues "coloniales". Pour l'Unesco, il est question donc d'encourager toute action, qui favorise l'utilisation des langues maternelles ; d'encourager la diversité linguistique et l'éducation multilingue ; mais également de sensibiliser davantage à la multiplicité des traditions linguistiques et culturelles dans le monde Fort de ses 250 langues environ, le Cameroun est l'un des pays dans le monde qui regorge d'une très grande variété de langues. Il s'est joint à cet organisme international pour briser les clivages et les barrières ethniques érigées par cette diversité ethnique et culturelle. Dans la région du Littoral, par exemple, cette journée qui s'est plutôt célébrée vendredi, 20 février dernier au Lycée de Deido, était placée sous le thème "Parle ta langue maternelle pour consolider ton identité culturelle". Au cours de cette journée, il a été organisé dans s cet établissement des poèmes, des pièces théâtrales en langues nationales. D'une manière générale, il s'agit de "sensibiliser le public sur l'importance des langues nationales car les langues officielles et celles d'ouvertures font que les langues maternelles soient oubliées" précise l'inspecteur régional des langues. Ce qui a emmené le gouvernement à prendre un certain nombre de mesures pour l'apprentissage de ces langues dans les établissements scolaires. Applicabilité C'est pourtant depuis 1998 qu'afin que les langues maternelles soient enseignées dans les établissements, un certains nombre de mesures ont été mises sur pied. Il s'agit notamment de "la loi d'orientation de l'éducation du 14 avril 1998, qui a été par le président de la République et dont la mise en application se fait de manière progressive" avouent les responsables de l'éducation au Cameroun. Cette loi d'orientation aura pour but de faciliter l'enracinement dans nos cultures personnelles, ainsi que dans les autres cultures. Elle permettra donc aux élèves d'apprendre à lire, à écrire et à parler couramment diverses langues. Pour cette première mesure qui donne un autre objectif à l'enseignement, 30 langues ont déjà été sélectionnées comme étant celles qui devront être apprises dans les écoles. "Ces langues maternelles sont celles qui ont déjà fait l'objet d'une étude. Celles qui ont une écriture et qui sont parlées par un grand nombre de personnes. Nous en avons déjà recensées une trentaine dans les 10 régions du pays", explique un inspecteur pédagogique. Pour la prochaine année scolaire 2009/2010, on apprendra d'ailleurs au cours de la célébration de cette journée, que 6 langues seront introduites dans les programmes scolaires. Cette introduction des langues dans les établissements secondaires commencera cette année par deux établissements pilotes dont un lycée et un collège privé. Toutefois, les langues maternelles sont enseignées dans certains établissements depuis plusieurs années. Ayant compris la nécessité de l'existence d'une "culture nationale", certains établissements, à l'instar du collège Libermann de Douala, ont introduit depuis plusieurs années l'apprentissage de ces langues dans leurs programmes. C'est ainsi que les élèves peuvent lire et parler couramment le bassa, le duala et le ngom ma'ala pour leur grand bonheur. "C'est depuis la classe de 6ème que j'apprends ces langues et je les parle de mieux en mieux", reconnaît un élève. Au fil des ans, les élèves seront aussi évalués en ces langues lors des examens officiels. Concernant la formation des enseignants en ces langues, "Il est prévu l'ouverture d'un département de langues à l'Ecole normale supérieure de Maroua. Cela est déjà effectif dans les universités d'Etat où, à l'université de Douala par exemple, où on peut apprendre les langues maternelles telles que le duala et plusieurs autres langues", apprend-on. Blaise Djouokep

Au tableau : L'école des langues maternelles

Le débat sur l'enseignement des langues maternelles est loin d'être clos du seul fait du projet de la mise à disposition desdits modules, notamment pendant les vacances scolaires aux apprenants, pour l'essentiel, élèves du système scolaire camerounais. Au contraire, il s'ouvre à peine. Car, c'est maintenant que commence à se poser plus que jamais la question de l'impact d'un tel apprentissage à la fois sur les langues véhiculaires et celles officielles héritées du colonisateur. Bien plus, même si, à la dimension de l'Unesco, des dispositions minimales sont prises pour une élaboration contextuelle des programmes et donc leur qualité à moyen terme, il convient de se demander comment et pour quels âges va-t-on diriger cet apprentissage que les initiateurs du projet veulent permanent. Ceci veut dire aussi qu'en dépit de la formation acquise des enseignants (certainement aux bons soins de l'agence onusienne en charge de la science et la culture), il y a un effort local à faire pour assimiler et partant, implémenter les visées de l'Unesco sur la question. Si l'on peut saluer cette initiative appelée de tous ses vœux par la quasi-totalité de la communauté éducative qui espérait voir les dites langues introduites dans le système scolaire, il reste que la mise en pratique paraît, du moins au stade actuel, difficile. Parce qu'il s'agit d'intéresser les volontaires et que pendant longtemps l'initiative pourrait rester l'affaire des seules grandes villes du pays. Ensuite parce que de plus en plus, au-delà de l'expression orale, les jeunes de nos villages comme ceux des milieux urbains ont besoin de pouvoir écrire et savoir traduire par ce fait les subtilités et richesses des langues maternelles que les aînés (quinqua et quadra) maîtrisent à peine. Or, la langue, comme élément de base de la culture d'un peuple du fait de sa richesse, exige un certain nombre de contraintes. Les plus importantes pouvant être l'écriture de celle-ci comme c'est le cas avec l'écriture bamoun. Un peu comme c'est le cas avec le grec qui s'est élevé de ce fait d'entre les langues parlées de son époque et qui, malgré l'épithète "morte" qu'on lui colle aujourd'hui, continue de fasciner et garder son influence sur les autres langues latines. Pour les Camerounais qui utilisent pour leur expression autant de langues que de communautés, la tâche est ardue dès lors que les choix des principaux initiateurs de ce projet à savoir, le ministère de la Culture et l'Unesco, risquent d'être pris au piège de la sélection des langues à apprendre en fonction des aires culturelles. Une telle approche ne risque-t-elle pas d'éloigner les plus jeunes apprenants de l'objectif escompté par ce cours qu'ils ne veulent pas ponctuel? Toujours est-il que la complexité du Cameroun est là. Elle interpelle et impose que l'on réfléchisse, dans notre pays, à la promotion d'une ou plusieurs langues véhiculaire à travers lesquelles toute la communauté nationale doit s'identifier. De sorte que la notion de langue seconde, répandue dans ce pays à une époque, corresponde justement et plus exactement à ces langues là et non aux langues maternelles tout court. En supposant avec les pédagogues et autres spécialistes des sciences de l'éducation que la langue maternelle est d'un apport capital dans l'apprentissage des langues acquises, il est louable que les cibles du programme que les pouvoirs publics et l'Unesco mettent en place soient bien définis, comme devront l'être tous les objectifs à long terme et le contenu des programmes qui pourraient, au fil du temps, (même si l'on insiste pour dire que ce n'est pas dans l'ordre des projection), aboutir à une introduction dans les programmes scolaires du Cameroun. Léger Ntiga

M. N. Ntouba Ngollè : Les langues maternelles feront partie des examens officiels

L'inspecteur régional des langues explique la nécessité de l'apprentissage des dialectes dans les établissements scolaires. Qu'est ce qui peut expliquer la vulgarisation des langues maternelles dans les établissements scolaires ? C'est le résultat d'une mise en œuvre de la loi d'orientation de l'éducation au Cameroun. Cette loi d'orientation est celle du 14 avril 1998 créée par le président de la République et qui fixe les objectifs de l'éducation. L'objectif premier est la formation des citoyens enracinés dans leur culture, mais aussi ouverts dans le monde. Qui dit culture dit langue. C'est pour cela que le ministre des Enseignements secondaires, dans le souci de mettre en œuvre ce décret du président de la République, a décidé d'introduire l'enseignement des langues dans le secondaire. Quelles mesures concrètes ont été prises pour assurer une mise en place effective de cette loi d'orientation ? Beaucoup de réflexions ont été menées à ce sujet. Des inspecteurs nationaux et régionaux chargés de l'enseignement des langues et des cultures nationales ont été nommés. Malheureusement, nous n'avons pas encore, au niveau de la région du Littoral, un inspecteur pédagogique chargé de l'enseignement des langues nationales. Cela ne saurait tarder cependant, parce que nous sommes en train de faire une prospection afin de détecter quelles peuvent être les personnes ressources que nous allons envoyer sur le terrain. Ces inspecteurs nationaux et régionaux seront chargés d'animer les formations et de contrôler l'enseignement des langues, de former également les enseignants qui devront enseigner ces langues. Ils devront également mettre en œuvre des programmes d'enseignement de la langue maternelle au niveau régional. Ces langues maternelles feront-elles partie des matières sur lesquelles les élèves sont évalués lors des examens officiels ? Cela va s'en dire, parce que ce n'est pas pour remplir les registres qu'on va enseigner ces langues. Une fois qu'une discipline est enseignée, on est obligé de l'évaluer. Les élèves seront évaluées aussi bien dans les évaluations internes dans les établissements que pendant les évaluations certificatives au niveau national. L'apprentissage, quant à lui, sera progressif. Dans le cycle d'observation, c'est-à-dire dans les classes de 6ème et de 5ème, il sera question d'apprendre d'abord l'alphabet spécifique aux langues maternelles aux élèves, de telle sorte qu'un élève qui maîtrise cet alphabet puisse écrire toutes les langues maternelles. Ce sera dans un premier temps, l'apprentissage de l'alphabet et des sons ; et, dans les cycles d'orientation, la lecture et l'écriture suivront. par Blaise Djouokep




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