Les "nordistes" veulent bloquer une nouvelle manœuvre du MINESUP Jacques Fame Ndongo.
Les épreuves écrites du concours d'entrée à l'Ecole Normale Supérieure de Maroua sont terminées. Place désormais à l'angoisse et aux supputations. Combien de candidats seront en définitive admis aux premier et second cycles sur les quelque huit mille postulants ? Nul ne saurait le dire pour l'heure. En tout cas, Issa Saïbou, directeur de l'ENS de Maroua, confirme une information déjà connue: «Le nombre de places réservées aux admis à ce concours sera déterminé par le ministre de l'Enseignement supérieur. Il en est de même de l'Ecole Normale Supérieure de Yaoundé», confie-t-il. Quand ? «Je ne peux pas vous fournir une réponse précise», tranche le directeur de l'Ecole normale supérieure.
Au ministère de l'Enseignement Supérieur, difficile de se faire une idée. Joint au téléphone par notre confrère Le Messager, Jean Paul Mbia, le chef de la cellule de communication de ce département ministériel, a indiqué qu'il revenait au seul recteur de l'Université de Maroua, Edward Ako Oben, de proposer au ministre de l'Enseignement supérieur le nombre de places en fonction des ressources humaines, matérielles et financières disponibles. «En principe, 2000 places sont en jeu comme dans le cas de l’ENS de Yaoundé», a soutenu Jean Paul Mbia.
Pourtant, dans un entretien paru chez notre confrère Cameroon Tribune, le 10 août 2009, le directeur de l'Ecole Normale Supérieure de Maroua fournit de nouvelles pistes. «Ce qui est sûr, c'est que nous n'avons pas attendu que se déroule le concours d'entrée à l'Ecole Normale Supérieure de Maroua pour envisager l'année académique 2009-2010. Nous avions des bâtiments qui étaient disponibles déjà l'année dernière et que nous sommes en train de réhabiliter pour certains, réfectionner partiellement pour d'autres, de façon à accroître notre capacité d'accueil. Je puis vous assurer que les problèmes d'infrastructures pour l'accueil de la promotion 2009-2010 ne se posent pas. Ce problème est déjà résolu», précise-t-il.
Le Minesup Fame Ndongo.
A l'analyse, toutes ces informations tendent à confirmer la thèse selon laquelle la disponibilité des ressources humaines et matérielles à l'ENS de Maroua n'est pas le problème de fond à l'origine de l'option de «dissimuler» le nombre de places réservées aux admis à ce concours d'entrée à l’ENS de Maroua pour cette année 2009. Pourquoi alors le ministre de l'Enseignement Supérieur, Jacques Fame Ndongo, a-t-il pris cette décision pour le moins curieuse de ne pas communiquer le nombre d'admis alors qu'officieusement, lui-même avance le chiffre de 3000 ?
Les nordistes y voient de nouveau une manœuvre tendant à les flouer lors de la publication des résultats. «Je dois dire que cette démarche n'est pas normale. Toutefois, le ministre m'a rassuré sur le respect du quota réservé au Grand-Nord», indique le député RDPC Sali Daïrou et ancien ministre de la Fonction publique et de la reforme administrative. «Il faut se méfier de l'inhabituel, surtout que dans ce cas, les arguments avancés par mon collègue ne tiennent pas. Cela cache une manœuvre», croit savoir un ministre originaire du Grand-Nord, encore en fonction.
Cette suspicion est partagée par un grand nombre d'hommes politiques de cette partie du pays. Lesquels se méfient particulièrement de l'actuel ministre de l'Enseignement Supérieur qui lors de la publication des résultats de l'année dernière, n'avait octroyé que 23% de places aux candidats originaires des trois régions septentrionales. «Un concours d'entrée à une école donnant droit à une intégration à la Fonction publique est comme un appel d'offres. Il doit comporter tous les termes de références, autrement, il est biaisé. Il fait penser aux appels d'offres lancés alors même que les travaux de réalisation ont déjà commencé sur le terrain», s'amuse pour sa part, Garga Haman Adji, ex-ministre de la Fonction publique et président de l'Add.
Les enseignants de l'université scrutent aussi avec attention la démarche de Jacques Fame Ndongo. «Le nombre d'admis tournera autour de 2000. C'est la capacité maximale qu'offre l'Ecole normale supérieure de Maroua aujourd'hui. Personnellement, je pense que les places seront reparties en fonction des filières. Car le ministre souhaite sans doute éviter que certaines filières ne se retrouvent avec moins d'admis du fait du faible niveau des postulants. Il faudra alors équilibrer pour rester dans la fourchette», explique un enseignant de l'ENS de Maroua.
Soit ! Mais que cela n'affecte pas les quotas, précise-t-on dans le Grand-Nord. Car le vrai enjeu du débat actuel reste celui-là: le respect au moins des quotas. «Le respect de l'équilibre régional qui octroie légalement au Grand-Nord 30% des places réservées aux admis est un minimum», indique Garga Haman Adji.
D'autres politiques, notamment des députés, sont sur la lancée de l'année dernière. «Logiquement, compte tenu de notre taux de sous-scolarisation, nous sommes en droit de revendiquer encore cette année et peut-être même pour les trois prochains concours, un traitement de faveur au-delà des 30% qu'un décret présidentiel a bien voulu nous accorder. Mais je pense qu'il n'est pas de notre intérêt de réclamer cette fois-ci 80% d'admis, les autres Camerounais trouveraient cela prétentieux. 50% me semble acceptable», estime un des leaders de la contestation parlementaire de novembre 2008 qui avait abouti à l'admission de tous les candidats originaires du Grand-Nord.
Par Raoul Guivanda,
L'oeil du Sahel