Henri Eyebe Ayissi : Au nom du chef de l’Etat

Par Jean Francis Belibi | Mutations
- 14-Dec-2007 - 08h30   53303                      
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Le ministre des Relations extérieures ne s’est manifesté dans la crise des Camerounais en Guinée Equatoriale qu’à l’initiative de Paul Biya..
Il y a trois semaines lors du déclenchement de la énième crise des banlieues en France, au cours de laquelle des manifestants ont utilisés des armes à feu contre des policiers, Michèle Alliot Marie, le ministre français de l’Intérieur a dû immédiatement interrompre sa participation à la réunion à laquelle elle participait à Bruxelles aux côtés de ses homologues européens, pour assurer la gestion de ces événements. On se serait attendu à la même réaction de la part de Henri Eyebe Ayissi, ministre camerounais des relations extérieures en mission à l’étranger, en Asie notamment, le 5 décembre dernier, lorsque éclatent les événements de Guinée Equatoriale au cours desquels de nombreuses exactions sont commises sur des Camerounais à l’issue du braquage de deux banques. Il faudra attendre plusieurs jours pour avoir une réaction officielle. D’abord, sous la forme d’un appui logistique et financier à travers l’envoi de vivres et de médicaments pour secourir les milliers de compatriotes réfugiés à l’ambassade du Cameroun à Malabo et au consulat de Bata. Ensuite, sous la forme d’un communiqué officiel signé par… Amadou Ali, vice-premier ministre en charge de la Justice en lieu et place du titulaire du poste des Relations extérieures. Ce dernier, après l’Asie, s’est rendu où il a accompagné le Premier ministre, Ephraïm Inoni, au 2e sommet Europe-Afrique des 8 et 9 décembre derniers. Pendant cette période, Henri Eyebe Ayissi avait pour intérimaire Amadou Ali comme le veulent les usages dans le gouvernement. C’est ainsi qu’on verra le garde des sceaux face aux députés à l’Assemblée nationale défendre le projet de loi portant sur la ratification d’un traité international. Pendant ce passage au cours duquel il est assisté de l’un des ministres délégués auprès du Minrex, Amadou Ali sera amené à répondre de l’attitude des autorités camerounaises face à ces exactions répétées contre ses compatriotes dans des pays de la sous région. "Ce n’est pas la première fois, le Gabon s’est déjà livré à de telles exactions, la Guinée (Equatoriale ndlr) s’est déjà livrée à de telles exactions et elle continue… On ne peut pas continuer à se contenter dans ce pays d’une visite du ministre des Affaires étrangères ou du président Obiang qui rencontrerait son collègue Paul Biya, ils s’embrasseront et puis…", lance le député Jean-Jacques Ekindi. Expédition A peine rentré de son périple, Henri Eyebe Ayissi a pris le chemin de Malabo à la demande, comme on l’apprendra plus tard, de Paul Biya, qui selon les médias officiels avait par ailleurs convenu d’un entretien entre son émissaire et le chef de l’Etat équato-guinéen. A son retour à Yaoundé aux premières heures de la journée d’hier, le Minrex ramenait dans ses bagages, une centaine de nos compatriotes qui avaient préféré quitter l’enfer Équato-guinéen. Il inaugurait ainsi une nouvelle gestion des crises désormais récurrentes entre le Cameroun et son voisin. Cet ancien ministre de l’Urbanisme et de l’habitat que l’on retrouva dès 2004 au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation en tant qu’Inspecteur général en charge des questions électorales, une administration où il était visiblement à l’étroit, ayant eu du mal à se faire accepter par le maître des lieux. Nommé le 7 septembre 2007 comme ministre des Relations extérieures, il a pris les rênes d’une administration où les décisions se prennent ailleurs que dans les bâtiments situés à proximité de la maison de la radio à Yaoundé. Car, bien que les diplomates eux-mêmes ne soient pas d’accord sur la question, la diplomatie camerounaise fait toujours partie du fameux domaine réservé du président de la République. Ce dernier semble avoir une oreille plus attentive sur des questions diplomatiques pour des conseillers officieux (Ferdinand Léopold Oyono) ou officiels (René Sadi). Le ministre des Relations extérieures passe donc pour un vassal du chef de l’Etat qui est même parfois ignoré pour des questions ayant trait à l’administration qu’il chapeaute théoriquement. Lors de la présentation de sa feuille de route au sortir de l’Assemblée nationale où il défendait le budget de son ministère (à la fin du mois de novembre dernier), Henri Eyebe Ayissi a fait savoir qu’il est essentiellement question, au nom du chef de l’Etat, de relooker l’image de la diplomatie camerounaise: améliorer la présentation physique des missions diplomatiques du Cameroun à l’étranger, le transfert de Bonn à Berlin de l’ambassade du Cameroun en Allemagne, de la construction de celle d’Abuja au Nigeria… Parlant de ses missions, cet administrateur civil hors échelle, major de sa promotion à la sortie de l’Enam en 1981 et qui a effectué l’essentielle de sa carrière à la présidence de la République, jusqu’à son entrée au gouvernement en 1990 alors qu’il n’avait que 35 ans, indiquait déjà lors de son retour aux affaires en septembre dernier, "Je suis un serviteur de l’Etat, un citoyen à qui une mission a été confiée conformément aux directives qui m’auront été données". Elles sont arrivées dans le cadre du différend avec Malabo sous la forme d’une mission à effectuer en terre équato-guinéenne. Lui dont le tempérament contraste avec la compétition (malgré sa pratique journalière du sport au parcours Vita), a déjà dû se faire à l’idée qu’il est désormais à la tête d’une administration d’un genre particulier. Celle qui met à l’œuvre, comme le disait Alain Didier Olinga "le silence comme la règle d’or". Et où, au Cameroun toute directive vient de la hiérarchie.




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