Après 15 ans de prison, Titus Edzoa a enfin décidé de livrer les « échos de ses silences », sous la forme d’un ouvrage de 158 pages intitulé « Méditations de prison », coédité par les éditions du Schabel et Karthala.

Le livre
Photo: © JBT
Après 15 ans de prison, Titus Edzoa a enfin décidé de livrer les « échos de ses silences », sous la forme d’un ouvrage de 158 pages intitulé « Méditations de prison », coédité par les éditions du Schabel et Karthala. Dans son livre, l’ancien secrétaire général de la présidence de la République revient sur sa démission du gouvernement en 1997. Un quasi casus belli, suivi d’un autre: l’annonce de sa candidature à la présidentielle de cette année là. Dès lors, les événements s’enchaînent à un rythme vertigineux. Titus Edzoa est placé en résidence surveillée, puis poursuivi et condamné à 15 ans d’emprisonnement ferme pour détournement de fonds publics.
Du fond de sa cellule depuis 15 ans, Titus Edzoa a médité. Son livre est le résultat de ses méditations sur les sujets les plus variés comme la vie carcérale, la justice, la politique, le mysticisme, etc.
On sent, au fil des pages, un homme dégoûté par son pays et son mode de fonctionnement. Lorsqu’il parle, par exemple, de la terreur politique, le chirurgien est dur, mais son constat est implacable. «
La terreur politique, écrit Titus Edzoa, c’est une arme cynique, dont savent volontiers abuser les faibles d’esprit, pusillanimes introvertis, hantés qu’ils sont par leur fausse et prétendue supériorité, et pourtant en réalité, imbibés de médiocrité notoire, en même temps qu’ils sont, à l’envi, dévorés par un virus narcissique qu’ils s’évertuent, en vain, à dissimuler. »
La roche Tarpéienne
Sur la politique, Titus Edzoa fait sien le livre de René Dumont, «
L’Afrique noire est mal partie ». Pour lui, l’Afrique « s’enfonce plutôt dans un trou sans fond, que la plupart de ses dirigeants s’évertuent à creuser à tout crin, animés d’un cynisme et d’un sado-masochisme inqualifiable ». «
Ils ont fait de la politique, poursuit-il, un enjeu exclusif de la puissance et de la jouissance ostentatoires, et dont la violence aveugle est la référence de valeur, que dis-je, de « non-valeur », oubliant que les "trônes tombent, et que les fauteuils restent ; que les rois ont le jour, les peuples les lendemains! »
Le style, c’est l’homme, dit-on. A travers « Méditations de prison », on décèle des traits de la personnalité de l’auteur : un homme complexe, mystérieux, voire mystique.
On l’accusera peut-être de lâcheté pour n’avoir pas utilisé son livre pour régler ses comptes avec ses compagnons d’hier. Surtout que l’actualité au Cameroun est marquée par certains bannis du système qui semblent s’être mis à table. Mais, Titus Edzoa, à 67 ans, ne mange pas de ce plat-là. Il fait preuve d’une certaine élégance. Il faut en avoir pour ne pas régler ses comptes, lorsqu’on a passé 15 ans de sa vie en prison, sans que l’espoir d’une libération prochaine pointe à l’horizon. Il faut en avoir, de l’élégance, pour rester silencieux, lorsqu’on a tutoyé le Capitole, avant d’être ensuite brutalement précipité vers la roche Tarpéienne.
Mais, en réalité, Titus Edzoa, chirurgien compétent et homme politique cueilli en pleine ascension, est certainement sur une autre dimension. Celle-là, plus spirituelle. L’auteur a sa cible. Elle n’est pas forcément le commun des Camerounais. Il sait à qui il écrit. Ils se connaissent.
Jean-Bruno Tagne
Auteur : Titus Edzoa
Titre : Méditations de prison
Editions : Schabel, Yaoundé
Nombre de pages : 158
Préface : Odile Tobner
Année : 2012
Prix : 7500Fcfa
Lieu de vente : Tous les kiosques Messapresse
Bonne feuilles
Le mysticisme: occultisme ou sorcellerie ?
Boire tout frais du sang humain, c'est particulièrement excitant pour les caprices des démons; lassé des langoureuses divines sirènes, trop exigeantes et jalouses, l'on se l'ait incube, pour priver de leur virginité des nymphettes aussi lascives que naïves: cela procure de la jouvence à perpétuité ; pratiquer comme rituel de purification et d'allégeance l'homosexualité, c'est une haute distinction discriminatoire pour l'honorabilité de la confrérie supposée prestigieuse; engager en astral des combats nocturnes épiques et suicidaires sur des « avions-tapis volants », bourrés de missiles incendiaires, l'ennemi redouté ne s'éliminant que de nuit ; déguster de la chair humaine faisandée à l'étouffée, c'est de l'ambroisie pour l'éternité; livrer en sacrifice à la confrérie et, tour à tour, le plus aimé de ses proches, c'est renforcer la solidarité et la respectabilité du groupe; organiser des messes sabbatiques, très noires en couleur, pour délier le Dieu tout puissant entouré de sa cohorte de saints, de bienheureux et consorts ; pactiser avec Lucifer, le diable doublement cornu, le plus redouté parce que le plus redoutable, en signe de fierté d'être son flambeau de l'incarnation du mal ; forniquer avec des cadavres féminins, à défaut de harpies particulièrement décaties, ça donne de la pêche 2t du courage ; s'abreuver de coctions hallucinogènes, c'est l'accès assuré au royaume des ancêtres, éternels gardiens de la sagesse; consulter de vieux grimoires, pour y découvrir des formules magiques : ainsi à la carte peut-on tuer à l'envi, avant de périr soi-même heureux, comblé d'une mort violente..., car paraît-il, tout « mystique » meurt toujours d'une mort violente, et toute mort violente démasque ; « tout mystique camouflé »...; ablutions, bains publics en tenue d'Adam et lavements d'écorces diverses, assorties de force piment et poivre, en cocktails explosifs, voilà qui : « blinde », immunise contre des sortilèges de tous genres, rendant invulnérable à toutes balles et flèches empoisonnées, visibles ou invisibles, à toutes attaques, de jour comme de nuit ; se rendre invisible par des « mots de passe-3asse », avec la faculté, le pouvoir de détruire préventivement l'autre, et cela d'une façon ostentatoire, car le secret courrait occulter la puissance ; posséder l'âme de l'autre, en même temps jouir du privilège du pouvoir d'exorciser, car 1 faut être un brin diable pour terrasser le démon ; passer à travers les fissures des murs, les palâtres des serrures, en démonstration du pouvoir d'ubiquité... Et bien d'autres prouesses, bien d'autres fadaises, encore et encore !
Décapant et fantasmagorique, c'est un empire qui, en permanence, se voit métamorphosé de l'illusion la plus étonnante à une prétendue réalité, submergé par l'ignorance et l'obscurantisme ! Et pour causes ? Pour acquérir, paraît-il, toujours plus de pouvoir, plus de puissance, afin de posséder, accumuler force richesses, dans l'ostentation lui terrifie ; dominer tout et dominer tous ; accéder à des 'onctions les plus prestigieuses de la société, où argent et biens matériels seraient l'aboutissement glorieux et mirobolant d'une vie réussie de prétendu bonheur ! ! !
Extrait de Titus Edzoa, « Méditations de prison », éditions du Schabel, Yaoundé, 2012.