Mémoire : Sur les traces de Minkyo Bamba

Par Yaouba Djaligué | Repères
- 08-Dec-2007 - 08h30   57259                      
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Depuis sa disparition en 1995, le nom du co-auteur de l'hymne national est relégué aux calendes bantoues.
Samuel Minkyo Bamba. Hormis les élèves du primaire et du secondaire qui récitent ce patronyme dans leurs cours d'éducation civique aujourd'hui devenue éducation à la citoyenneté, ils ne sont pas nombreux les camerounais à qui ce nom dit grande. Même dans son arrondissement d'origine, le reporter de Repères en a eu la preuve, de la méconnaissance de ce héros national par la jeune génération. " Je sais que c'est un Goumba. J'ai entendu parler de lui à l'école mais je sais qui il est vraiment", nous confie Amougou, notre guide, quoique Goumba de Lolodorf. Et pourtant, l'Etat du Cameroun doit à cet homme décédé en 1995 dans son village natal à Bikala à une vingtaine de km de Lolodorf une fière chandelle. En effet l'hymne national du Cameroun est l'ouvre des élèves de la première promotion de l'Ecole Normale de Foulassi (1925 - 1928). L'histoire retient René Jam Mafan et Samuel Minkyo Bamba comme principaux auteurs. Le premier a composé les paroles et le deuxième la musique. Les concepteurs de cet hymne voulaient en faire dès 1927 un chant de ralliement. Ils ont réussit dans cette entreprise. Leur chant a été retenu comme hymne en 1957, au moment de la proclamation de l'autonomie interne. Aller à Bikala par la route Lolodorf-Kribi, l'une des premières construites par les allemands, relève d'un véritable parcours de combattant. A la sortie de Lolodorf, se trouve le point d'intersection. Ici commence le paradoxe du développement sous les tropiques aux yeux du visiteur. Au lieu de servir la destination la plus courue des usagés (Bipindi et Kribi) la route goudronnée bifurque plutôt en pleine forêt dense, cap sur Bibondi et Bikoka lieu de naissance de haut officier de l'armée camerounaise, où par semaine on compte à peine deux voitures. Les villageois ont fini par la baptiser " la route du général". L'axe principal mène chez les Minkio Bamba, censé recevoir le plus de flux est une succession de flaques d'eau et de boue. Plusieurs voitures tout terrain 4X4 s'y sont embourbées. Après deux heures de misère, pointe alors Bikala, un petit village Ngoumba très calme, où naquit le 18 juin 1909 Samuel Minkyo Bamba. La maison familiale est à cinq mètres de la route. Très modeste. Sans barrière, le petit bâtiment blanchâtre ne paye pas de mine. Des fleurs mal entretenues accueillent le visiteur. L''intérieur n'est pas non plus mieux loti. Dans le petit salon bleuâtre, des vieux canapés sont disposés de par et d'autre. Sur une table claudicante, sont posés des objets pelle mêle. Au mur, sont affichées deux tableaux bien soignés de l'ex-maître du céans. L'une le représentant à l'époque mythique de Foulassi et l'autre au crépuscule de sa vie. La modestie qui se lit sur le lieu tourne vite en une litanie de doléances quand la conversation s'amorce avec les ayant droits du disparu. " A part les étudiants et quelques touristes, la mémoire de mon père n'intéresse pas grand monde. On vien de célébrer l'anniversaire de l'hymne national du Cameroun personne ne s'est posé la question de savoir qu'est-ce que la famille de ce monsieur est devenue ", lance Aimé David, le benjamin des cinq fils (tous sans emploi) de Minkyo Bamba, celui là qui est resté au chevet de leur père jusqu'à sa mort. Le reporter ne peut pas s'interroger sur ce domicile familial. En effet en 1991, la télévision nationale avait présenté à l'une de ses éditions des journaux parlés la rétrocession d'un grand bâtiment à Minkyo Bamba de son vivant pour lui manifester la " reconnaissance de la nation pour son ouvre ". " Tous les camerounais qui arrivent ici se posent la même question sur la réalité de la maison montrés à la Crtv. Ce sont des fausses images. Il y a pas de commune comparaison entre les deux réalités. La famille a victime d'une manipulation. Ne recevant pas le signal de la télé à Bikala, c'est bien après qu'on s'en est rendu compte ", accuse un voisin. On apprendra par ailleurs qu'en fait, l'Etat n'avait versé aucun radis dans la construction dudit local, mais l'initiative était privée. Pas moins de quatre sociétés s'étaient associées dans cette œuvre de restauration de la dignité de nos héros…pour si peu. Quant aux droits d'auteur à verser aux ayants droits du disparu, l'un des fils affirme qu'ils sont insuffisants à en juger par les multiples usages de l'hymne national au Cameroun. Qu'il s'agisse des casernes, des commissariats et autres brigades, des écoles, des chaînes de radios et de télévision, les occasions de jouer l'ouvre de Minkyo Bamba sont quotidiennes. Quant aux allégations avancées sur le non payement de ces droits depuis cinq ans, le directeur général de la Cameroon Music Corporation dément. " La veuve Minkyo Bamba a été de cinq dernières programmations de la Cmc. La dernière en date, est celle du mois d'août 2007. Au delà de la Cmc, elle a même reçu des droits venant de Sacem", explique Jean Claude Laurent Mais il reconnaît néanmoins, que des problèmes subsistent dans le calcul des droits, notamment le remplissage des différentes fiches de programmation de dites œuvres sur les antennes de la Crtv. Quand bien même ses droits seraient payés dans leur totalité à ses ayant droits, cela ne saurait suffire, pour la dimension grandiose de l'ouvre accomplie par ce héro. Des initiatives allant dans le sens de perpétuer sa mémoire comme des fondations, des monuments…ne sont pas de trop. C'est la condition sine qua non pour que ce nom ne soit pas relégué aux calendes bantoues.




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