Présidentielle 2004: Les partis passent à la caisse

Par Xavier Luc Deutchoua | Mutations
- 20-Sep-2004 - 08h30   51470                      
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500 millions de francs débloqués par le Minfib. La liste des bénéficiaires. Les montants.
Financement public: L'or du Rdpc La loi sanctionnant l’allocation des fonds publics aux formations politiques fait la part belle au parti au pouvoir. L'argent est ennemi du bruit. En matière de financement public des formations politiques, la discrétion est le mot d'ordre au sein du staff de ceux qu'on présente comme les grands partis. Toute demande d'information sur l’utilisation de ces fonds est remontée jusqu'au président ou au secrétaire général. Grand manitou, ces derniers jouissent du droit divin sur l'argent public alloué à leur formation. Ils n'en disent souvent aux militants pas plus que ce que les communiqués du Minatd expriment. Les pouvoirs publics entretiennent l’opacité. Eux qui n’ont rien entrepris, à ce jour, pour vérifier son utilisation. Pourtant la Loi du 19 décembre 200 sur le financement public des partis et des campagnes électorales prévoit une Commission de contrôle, mise sur pied le 08 octobre 2001. Depuis sa création, ladite commission a déjà rater au mois une occasion de convaincre le public de son bien fondé, de sa capacité et/ou de sa volonté à s'assurer de la régularité des deniers publics ainsi confié à l'utilisation des partis. En janvier dernier en effet, 500 millions de francs ont été mis à la disposition de 16 partis. Voici que neuf mois plus tard, sans que l'on dise au contribuable à quoi a servi la première enveloppe, le Minatd et le Minfib convient les mêmes acteurs politiques à la caisse. Voulue ou accidentelle l'apathie observée au niveau de la Commission peut développer la tentation de distraire les fonds de leur but initial, à savoir le fonctionnement des partis ou la campagne électorale. Ailleurs, en France par exemple, le verdict de la Commission des comptes de campagne et de financement politiques ne se fait pas attendre, est routés et son président fait trembler les élus de tous les partis. Au Cameroun, autant les chefs de partis, en dehors de deux des 16 bénéficiaires qui restent attachés à leur anonymat, sont muets sur l'utilisation de l'argent public mis à leur disposition, autant ils sont prompts à critiquer la loi qui leur donne à manger. A juste titre car, sans encourager le flou entretenu sur des fonds, il faut reconnaître avec les chefs de partis que la loi portant financement des partis politiques est viciée dès sa base. Elle a été introduite au parlement, contre les habitudes du Renouveau. Les observateurs, à l'époque, n'en revenaient pas de voir les pontes du Rdpc militer subitement en faveur du soutien financier aux partis, avec le risque de donner des chances à ses concurrents qui, avec des poches vides, réussissait à lui tordre le coup dans certaine localité. Trop vite, quelques uns avaient même applaudi cette "avancée démocratique". A bien regarder, le Renouveau s'est aligné sur les revendications des partis au moment où ses propres caisses se sont asséchées. Avant 2000, les entreprises étatiques constituaient les pompes à fric les plus sures du Rdpc. Une fois la Sonel, la Camtel mobile, Regifercam etc privatisées, le Rdpc se retrouvait sur le même pied d'égalité que les autres partis. C'est donc la privatisation, et le regard inquisiteur des bailleurs de fonds internationaux sur les entreprises en voie de l'être qui ont forcé le Rdpc à accepter cette loi. L'un des principaux griefs faits à la loi est celui du mystère autour du montant. Pourquoi par 500 millions de francs en janvier dernier, et non un milliard de francs par exemple ? Pour un chef de parti qui a requis l'anonymat, les pouvoirs publics fixent le montant en fonction des besoins du Rdpc, qui se taille la part du lion, et se régale au spectacle des autres partis se déchirant sur les miettes restantes. La loi aurait pu éviter la fixation arbitraire du montant de l'aide. En Cote d'ivoire par exemple, une loi votée le 02 de ce mois fixe à 1/1000 du budget de l'Etat la subvention affectée aux partis pour la présidentielle prochaine. Au Cameroun, malgré les apparences, les critères de choix des partis bénéficiaires et de répartition de l'enveloppe ne sont pas objectifs. Evaluer la représentativité d'un parti à partir de son score aux législatives ne pose pas problème. Mais ces mêmes partis représentés à l'Assemblée nationale perçoivent une partie de la deuxième tranche de la subvention, un système qui favorise le Rdpc en raison d’un ancrage national, obtenu grâce aux chefs de district et aux sous-préfets qui n'hésitent pas à tomber la vareuse pour travailler à l'implantation du parti au pouvoir. Ils sont doublement gratifiés, alors que dans un souci d'équité, cette seconde tranche pouvait être attribuée exclusivement aux partis qui font des scores honorables aux différents scrutins sans parvenir à décrocher des sièges. Dans le même souci de justice électorale, la loi aurait pu tenir compte davantage des performances des partis aux municipales. La répression financière des partis d'opposition crève encore les yeux plus facilement au niveau du choix du moment de déblocage des fonds. A deux reprises au moins, on a observé que c'est à la veille des grandes descentes du Rdpc sur le terrain que l'arrêté conjoint Minatd/Minfib, qui ouvre l'accès des partis à la caisse, est signé. Le trésor public est ainsi transformé en caisse de réserve du parti au pouvoir. En période de campagne électorale, le calendrier de payement de ces ressources fonction de la coloration politique du parti. Le Rdpc met quelques minutes à retirer et à toucher son chèque. En début de campagne. Ses satellites bénéficient de facilités similaires. Sous des prétextes divers, les partis de l'opposition mettent des mois ; le retrait de leur chèque au trésor n'est souvent possible que longtemps après les élections. La loi La loi du 19 décembre 2000 portant financement public des partis politiques distingue entre les activités permanentes des partis et leur fonctionnement en temps de campagnes. Dans le cadre de leur travail quotidien, les formations légalement reconnues peuvent bénéficier du soutien financier de l'Etat. Cette allocation publique, inscrite chaque année dans la loi des finances, vise à supporter certaines dépenses de fonctionnement. Notamment celles liées à l'administration courante des partis, à la diffusion des programmes politiques, à la coordination de l'action politique des membres, à la préparation aux consultations électorales, à la participation aux différentes commissions électorales prévues par la législation. Au terme de la loi, il revient à l'Assemblée nationale et au Sénat de proposer le montant de la subvention. Pour l'instant, en l'absence d'un sénat, l'Assemblée nationale remplit seule ce rôle. Son bureau adresse au ministère de l'Administration territoriale et de la décentralisation, la liste des députés par parti politique. C'est sur la base de ce document que le Minatd procède aux répartitions selon une grille qui ne prend en compte que les partis prétendument représentatifs. La moitié de la subvention est attribuée aux partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. La part de chaque parti est fonction du nombre de sièges occupés à Ngoa-Ekellé. Quant à la deuxième moitié, l'article 7 de la loi précise : "La tranche destinée au financement des partis en fonction de leurs résultats aux élections à l'assemblée nationale leur est servie à condition qu'ils aient obtenu au moins 5% des suffrage exprimés dans au moins circonscription au cours n de la dernière élection" En temps de campagne, la loi du 19 décembre 2000 prévoit la prise en charge les dépenses des formations politiques par l'Etat. Il alloue ainsi des fonds pour la confection, l'édition et l'impression des circulaires, des professions de foi et des affiches. L'Etat peut aussi couvrir les frais d'organisation des meetings électoraux, et aider à acquérir les moyens logistiques. Tout comme pour les fonds destinés au fonctionnement permanent des partis, le législateur a imaginé une formule de répartition visant à favoriser seulement les partis jugés représentatifs. Ces fonds sont également répartis en deux tranches d'égal montant. "une première tranche est allouée aux partis ayant participé à la dernière élection législative, proportionnellement au nombre de sièges obtenus ; une deuxième tranche est servie à tous les partis politiques au prorata des listes présentées et validées dans les différentes circonscriptions électorales" Comment s'assurer du bon usage de ces deniers publics ? Dans ses dispositions finales, la loi institue une Commission de contrôle dont la mission est de "vérifier, sur pièces, que l'utilisation des fonds par les partis est conforme". Le décret relatif à l'organisation à la composition aux attributions et aux modalités de fonctionnement de ladite commission a été signé en octobre 2001. Elle est présidée par un représentant de l'administration en charge du contrôle supérieur de l'Etat. Arrêté conjoint n°04/ 131/cf/ a/Minfib/Minatd du 08 sep 2004 portant répartition des fonds destinés au financement des partis politiques au titre de l’exercice budgétaire 2004 Le Ministre des finances et du budget, Le Ministre d’Etat chargé de l’Administration Territoriale et de la décentralisation, Arrêtent: Article 1er : En application des dispositions des articles 6,7,8 et 11 de la loi n°2000/15 du 19 Décembre 2000 susvisé, il est alloué au titre de l'exercice budgétaire 2004, une subvention de cinq cent millions de francs CFA (500.000.000) destinée au financement des partis politiques et répartie ainsi qu'il suit: 1/ Tranche de 250.000.000 fcfa destinée aux partis politiques ayant participe aux élections législatives du 30 juin 2002 proportionnellement au nombre de siéges obtenus a l'assemblée nationale N° Partis sièges à l'A.N Montant 1 Rdpc 149 206.944.440 f 2 Sdf 22 30.555.555 f 3 Udc 05 6.944.444 f 4 Upc 03 4.166.666 f 5 Undp 01 49.999.993 f Total _ 180 249.999.993 2/ Tranche de 250.000.000 fcfa destinée aux partis politiques ayant obtenu au moins A 5% des suffrages exprimes dans au moins une circonscription au cours des élections législatives du 30 juin 2002 N° Partis Nbre de Circonscriptions à5 % au moins Montant Alloué 1 Rdpc 74 112.121.212 F 2 Sdf 38 57.575.757 F 3 Undp 29 43.939.393 F 4 Upc 06 9.090.909 F 5 Udc 03 4.545.454 F 1 6 Mdr 03 4.545.454 F 7 Andp 02 3.030.303 F 8 Mdp 02 3.030.303 F 9 Ppc 01 1.515.151 F 10 Add 01 1.515.11 F 11 Mp 01 11515.151 F 12 Ufdc 01 1.515.151 F 13 Nationale 01 1.515.151 F 14 Popc 01 1.515.151 F 15 Aniec 01 1.515.151 F 16 Mldc 01 1.515.151 F TOTAL 165 249.999.993 F Article 2: le présent arrêté sera enregistré, publié suivant la procédure d’urgence, puis inséré au Journal Officiel en français et en anglais. Yaoundé le 08 septembre 2004 Le Ministre d'Etat chargé de l’administration territoriale et de la décentralisation. Le Ministre des finances et du budget




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