Un lésé dans le partage de l'argent autour des projets de construction de ces axes routiers a dénoncé la mafia. Les points de vue de Messengue Avom et Aristide Okouda sont très attendus.
Le rapport 2010 de la Commission nationale anticorruption (Conac) accorde pas moins de 10 pages à ce qu'il est convenu d'appeler le scandale de la route Ayos-Abong-Mbang-Bonis. Il pointe «l'attribution d'un marché très important à une entreprise peu fiable, qui sait jouer de ses relations dans le monde politique et celui de l'administration, qui a constamment eu recours à des techniques classiques en matière de Travaux Publics pour demander et obtenir des avenants successifs, rectifiant toujours à la hausse le marché de base», et met l'accent sur «l’unilatéralisme du maître d'ouvrage, c'est-à-dire du ministre des Travaux publics, qui a souvent passé outre les compétences des commissions ad hoc, en procédant par la signature des ordres de service aux lieu et place des avenants dont l'intervention est obligatoire en la matière». La conclusion de l'analyse de la situation fait ressortir le fait que, «par rapport au marché de base, le coût de la route Ayos-Abong-Mbang sera multiplié presque par trois (3) si la tentative de détournement des 15,4 milliards devenait effective. Il en ressort que si l'Etat venait à bout des pratiques de corruption actuellement en cours dans les services du Ministère des Travaux Publics, les ressources budgétaires qu'il investit dans la construction des routes seraient suffisantes pour construire trois (3) fois plus de routes de mêmes longueurs et de mêmes consistances».
Retournement.
Ce que le document ne dit pas, et qui a fait ces temps derniers l’objet d’autres auditions de la Conac, c'est qu'au départ la réalisation de cet axe, mais aussi celui de la route Yaoundé-Kribi, sont au cœur d'un autre scandale politico-judiciaire. Encore pendante devant les tribunaux, l'affaire autour du Comité de suivi et de pilotage des projets de construction de ces deux axes routiers (Copispur) oppose aujourd'hui le gouvernement camerounais à de grands groupes d'investisseurs français. Et notre pays est bien parti pour perdre des milliards de francs en termes de dédommagements. Le Copisupr a en effet été taxé de «comité fictif» par certains dignitaires du pouvoir, qui affirment que sa mise en place avait pour but de détourner des fonds. Son président, Michel Thierry Atangana, croupit en prison depuis bientôt 15 ans et l'instruction continue de bégayer, ce représentant de la partie française mettant à mal un dossier aux relents de règlements de comptes. Chargé de rechercher des financements, le Copisupr a fait mener des études des routes Ayos-Bonis et Yaoundé-Kribi qui ont été entièrement réalisées. De même, tous les bureaux d'études sollicités pour la cause ont tous été payés, les contours desdites routes entièrement délimités et les populations riveraines dédommagées.
Le 16 mai 1997, les documents relatifs à ces projets furent saisis et mis sous scellés par le procureur de la république. A ce jour, les études et plans des routes sont portés disparus. En réalité, et c'est ce qui fait actuellement l'objet de nouvelles auditions à la Conac. Selon des sources introduites, ces études et plans ont été vendus à d'autres entrepreneurs par Dieudonné Ambassa Zang, puis par Martin Okouda. Ce sont les noms qui ressortent le plus dans les rapports confidentiels.
Récemment interpellé sur le sujet à l'Assemblée nationale, le ministre des Travaux publics, Bernard Messengue Avom, a reconnu que les études autour de ces routes, cette fois confiées à Ecta Btp, Sadek, Freeza et Beat-Consult, avaient été mal faites. En clair, celles menées à l'initiative du Copisupr, financées par des fonds privés, ont été détournées pour être dévoyées.
Au départ de cette autre enquête, se trouve un acteur qui affirme avoir été lésé dans le «partage» de l'argent entre les «vendeurs» du projet et qui a saisi la Conac. Aucun crime n'étant parfait, les tracés des routes Ayos-Bonis et Yaoundé-Kribi, tels que définis par les études commandées par le Copispur, n'ont plus été respectés. Conséquence logique, les sommes colossales dédiées aux dédommagements l'auront été à pure perte, leurs bénéficiaires ayant dû reprendre leurs activités (notamment les travaux champêtres) sur les parcelles cédées pour faire passer la route.