Tontine: "Politic na Ndjangui", disait Simon Achidi Achu

Par Junior Binyam | Mutations
- 23-Feb-2008 - 08h30   54458                      
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De comique au départ, la formule a fini par faire école au point de devenir une antienne pour les acteurs politiques et journalistes.
Le très inspiré auteur n'est pas mort et tient même d'ailleurs toujours une place de choix sur la scène politique camerounaise en sa qualité de membre du comité central du rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Premier ministre à l'époque, Simon Achidi Achu ne croyait pas si bien dire, quand il affirmait en pidgin, "Politic na Ndjangui". Traduisez la politique c'est une tontine. Les militants du Rdpc de son Nord-Ouest natal l'ont à nouveau vérifié lors du réaménagement gouvernemental de septembre dernier. Après avoir considérablement fait reculer le Social Democratic Front (Sdf) qui régnait sans partage sur cette province depuis les Législatives de 1997, à l'issue des élections couplées de juillet et septembre 2007, le nombre de ministres originaires de cette province a augmenté. Les gouvernements mammouths qu'on connaît au Cameroun trouvent d'ailleurs leur justification dans ce souci de faire gagner la tontine au maximum d'apparatchiks. Problème, le peuple qui est le plus gros contributeur ne gagne pratiquement plus la tontine depuis un demi-siècle. Et c'est d'ailleurs sur son dos et en prétendant parler en son nom que les uns et les autres raflent la mise. Les évènements de ces derniers jours, tel que rapportés par votre journal en apporte la preuve. D'abord les députés. Ce sont, il paraît, "les élus du peuple" au-delà des chapelles politiques. Qu'ont-ils fait depuis quinze ans pour qu'au moins le pouvoir d'achat de leurs compatriotes soit amélioré ? A défaut d'une augmentation des salaires dans la fonction publique par exemple, ils auraient au moins du, parce que le contrôle du travail gouvernemental est dans leurs prérogatives, contraindre les ministres à maîtriser l'inflation. A défaut de leur en donner les moyens puisque les propositions de lois sont dans leurs cordes. Si la défense des intérêts de leurs électeurs est résolument une priorité pour eux ils sont à même, du moins on le suppose, de constituer une armature juridique qui protège la population des spéculations de toutes sortes qui ont cours en ce moment et engendrent une flambée des prix sans précédent sur les marchés. Avec dans certains cas, la complicité du gouvernement qui gère les intérêts de l'Etat dans certaines sociétés privatisées. En supposant même que la situation que vivent les Camerounais en ce moment soit la conséquence d'une conjoncture dont tous les leviers pour y remédier ne sont pas présents sur notre sol, la décence impose au moins aux "élus du peuple" de faire corps avec ce dernier et marquer leur solidarité dans la précarité. Or, qu'est-ce qu'y a été rendu publique cette semaine ? Ce sont de nouveaux avantages en espèces sonnantes et trébuchantes pour les parlementaires camerounais et qui se chiffrent en millions de francs Cfa par tête. Aucun député ne s'est levé pour s'opposer à toutes ces libéralités qui leur sont offertes subitement et qui sont systématiquement et largement au dessus des demandes véhiculées à travers un tract au cours de la dernière session. Tract qu'aucun député n'a voulu assumer en son temps. La contrepartie de ces largesses de l'exécutif au législatif puisque c'est lui qui tient la caisse, c'est que les députés, comme en décembre 1995, voteront au nom du peuple une modification de la loi fondamentale visant à perpétuer une tontine où le plus gros contributeur est exclu du partage et des gains. Peu représenté ou pas représenté du tout par ses élus, que ce soit ceux du parti au pouvoir ou les quelques-uns de l'opposition, le peuple est mis dans la position d'un faire-valoir à qui on conteste même le droit de se prononcer sur des questions qui, à priori, sont capitales pour construire demain. Ensuite, à qui s'en remettre alors puisque ceux qui tiennent lieu de leaders d'opinions dans la société civile ou dans l'opposition n'espèrent qu'une chose : avoir un jour la chance aussi d'intégrer (ou réintégrer) la tontine et la gagner. En attendant, il ne crache pas sur l'argent qui leur est remis pour apporter leur caution à la modification constitutionnelle qui devrait consacrer au Cameroun la présidence à vie. Enfin, déboussolée, ignorée, la population va-t-elle rester encore longtemps spectatrice de cette tontine dans laquelle on spécule avec l'avenir de toute une nation, sans le peuple à qui on conteste même désormais le droit d'être informé à travers des tentatives de cap




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