René Bikok était invité hier à l'émission "Zapresse" sur Rts au cours de laquelle l'apathie des forces armées était en débat.
Il est un peu plus de 12h hier lorsqu'une quinzaine d'éléments des forces armées nationales prend d'assaut le siège de la radio Magic Fm située au quartier Essos à Yaoundé. Ils descendent pour l'essentiel de deux pick-up verts, aux couleurs de l'armée, et d'une 3 e qui est banalisée. Des témoins indiquent avoir reconnu d'autres éléments sur des motos. L'émission Température présentée par Jules Elobo, et qui est diffusée en direct entre 10 et 12h, vient à peine de s'achever. Le chef de chaine de cette radio et ses invités s'apprêtent à quitter les lieux quand ils reçoivent, selon des témoignages concordants, l'injonction, de la part d'éléments présentés par les témoins comme appartenant à la division de la Sécurité militaire (Semil), de ne plus bouger.
Il est procédé à l'identification de personnes ayant pris part à l'émission. Parmi celles-ci : Bithe Demaison, un jeune homme d'affaires qui s'essaye également dans la presse; Tobie Ndi, militant du Rdpc ; Jean de Dieu Ayissi, chef de chaîne de radio Colombe à Sa'a ; Aimé Cyprien Olinga, président d'un parti politique et Issa Abba, journaliste et chef traditionnel dans l'Adamaoua. Passé l'identification, Jules Elobo va subir un interrogatoire d'une vingtaine de minutes. Pendant ce temps personne n'a le droit d'entrer ou de sortir du bâtiment. Et déjà dehors, des passants qui croient à une nouvelle fermeture de cette chaine de radio s'amoncellent. L'escouade repartira de là visiblement déçue puisqu'elle ne mettra pas la main sur "un colonel à la retraite qui venait de parler à la radio".
C'est plutôt sur Radio Tiemeni Siantou que René Bikok, capitaine de vaisseau à la retraite, s'est exprimé au cours de l'émission Zapresse où il était un des invités à ce débat dominical qui se déroule également entre 10h et 12h et était présenté hier par Paulin Mballa. Une émission au cours de laquelle il a, aux côtés de Mathias Eric Owona Nguini, Simon Meyenga, Issa Mamoudou et Junior Binyam, apporté des éclairages sur quelques maux qui minent les forces armées nationales et dans lesquels on peut aller chercher les raisons du manque de réactivité observé lors de l'attaque de plusieurs banques à Limbé dans la nuit du 27 au 28 septembre.
Indiscipline
D'emblée le colonel à la retraite qui officie désormais comme "consultant pour la prévention et la gestion des crises en Afrique de l'Ouest et du Centre", quand il ne se consacre pas à ses activités agropastorales dans son Pouma natal, va essayer de dédouaner ses frères d'armes. " J'interviens dans ce débat parce que je crois qu'à tort les forces de sécurité ont été indexé négativement. Le Cameroun a opté pour une défense populaire. Ca veut dire que la défense est un problème tellement sérieux qu'on ne peut le confier qu'aux militaires. Il a manqué le renseignement et le renseignement c'est tout un chacun", a-t-il indiqué comme pour relativiser le laxisme et l'apathie qu'on prête aux forces de défense.
Ce, tout en réfutant dans le cas du braquage de Limbé la théorie d'une attaque de forces extérieures venues par la mer. "On a dit ca vient de la mer, ca vient de l'extérieur. Les opérations navales sont assez complexes (…) Tout laisse croire que cette opération était préparée au sol, certainement des jours ou des heures bien avant.
On a peut-être laissé passer le butin par la mer mais je ne crois vraiment pas à une opération militaire", a analysé cet officier de marine qui a eu une proximité certaine avec le dispositif de défense à Bakassi et revendique une carrière exemplaire tant au sein de l'Etat major qu'en tant qu'attaché militaire. Sans vraiment se lâcher tout en reconnaissant que le tribalisme, la corruption et l'inertie sont entre autres mots qui minent le Cameroun, René Bikok va relever les problèmes qui spécifiquement plombent un bon déploiement de l'armée. En bonne place l'indiscipline qui résulte, selon lui, de quatre facteurs principaux. Tout d'abord la sélection. Les recrutements sont désormais plombés par les interventions des politiques et l'absence d'enquêtes de moralité qui ouvrent des brèches pour des repris de justice. Deuxièmement, l'équipement et la formation qui ne suivent pas toujours.
Il par la suite évoqué le cadre de vie et travail avec notamment l'absence de caserne et la carence de prise en charge en ce qui concerne les soins de santé. Enfin, il a laissé entendre que "au niveau du commandement, ce n'est pas un commandement de proximité. C'est les avancements à tête chercheuse. Il faut faire avancer les gens par promotion. Quand vous prenez un promotionnaire, vous mettez l'échafaudage et l'envoyez en haut, ca détruit le moral des autres éléments de la promotion".
Des positions que René Bikok maintenait toujours quand nous avons pu entrer en contact avec lui hier en fin d'après-midi, nous révélant au passage que depuis les alentours de 14h, il n'avait cessé de recevoir des appels de personnes qui souhaitaient vérifier si la rumeur selon laquelle il avait été interpellé était fondée.
Après l'émission, il a rendu visite à des membres de sa famille dans la ville de Yaoundé et n'avait toujours pas rejoint son domicile quand nous l'avons contacté. "J'assume tout ce que j'ai dit et c'est le cœur léger que j'irais en prison si ca devait être le cas. J'ai la copie de l'émission et j'attends qu'on me dise où j'ai fauté si jamais il y a un problème. Mais jusqu'ici je n'ai aucunement été inquiété. Mais je suis un officier et je ne redoute pas d'être inquiété. Ce que j'ai dit est bien connu de la hiérarchie militaire", a-t-il conclu. En toute sérénité.