Pour 80 Millions de FCFA: Françoise Mbango se déchaîne

Par Interview réalisée par RFI | Le Messager
- 11-Apr-2006 - 08h30   71788                      
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Dans une interview accordée à Radio France internationale (Rfi) depuis les Usa et diffusée dimanche 9 avril, Françoise Mbango Etonè exprime quelques regrets quant au traitement qui lui a été réservé après les J.O d’Athènes. Elle parle aussi de son avenir.
Le Messager publie ici l’essentiel de cet entretien qui fait l’objet de beaucoup de commentaires dans certains milieux politiques et sportifs du pays. Elle s’est faite extrêmement discrète ces derniers mois, la championne olympique du triple saut est en fait partie aux Usa. Elle est étudiante à l’université de Saint Johns en Virginie. Elle n’est plus apparue en compétition depuis l’été dernier. Même si elle n’a pas l’intention de fréquenter les sautoirs cette année, la Camerounaise continue sa carrière ; et elle pense aux échéances mondiales […]. Nous l’avons jointe hier [samedi, 8 avril 2006] à New York. Françoise Mbango fait le point sur sa situation et sur ses intentions. Françoise Mbango : En ce moment, je suis aux Usa pour poursuivre une formation à l’université de Saint Johns et bien entendu poursuivre […] ma carrière professionnelle. Rfi : Qu’est ce qui vous a poussé à partir pour les Usa ? F.M. : En fait, c’est une idée de l’Ambassade des Usa [au Cameroun] qui m’a offert une bourse par le biais de la Société d’électricité camerounaise Sonel (sic) qui sponsorise mon séjour […] aux Usa. Et un avantage pour pouvoir suivre une formation autre que sportive. Rfi : C’est-à-dire que vous préparez déjà l’après sport, l’après carrière sportive ? F.M. : Oui, c’est un avantage qui m’est donné pour préparer l’après carrière quoi… Rfi : Et qu’est-ce que vous faites comme genre d’études ? F.M. : Pour le moment, j’apprends d’abord la langue, avant de poursuivre une formation d’ici la fin de cette année. J’avoue que je découvre les Usa. Je n’étais jamais arrivée ici. Donc, j’allais dire soit dans la communication, soit dans le marketing. Rfi : Vous allez rester combien de temps aux Usa ? F.M. : Je verrai déjà comment ça va se passer cette première année. Ensuite, c’est à partir de la deuxième année que je saurai exactement combien de temps je ferai aux Usa. Est-ce que je vais m’installer ici ? […]. Qu’est ce que je vais faire exactement ? Je suis venue un peu tâter le terrain quoi… Rfi : Vos supporters se demandent un petit peu si vous n’avez pas tiré une croix carrément sur votre carrière. Dites-nous, parce qu’on ne vous a pas vu dans une compétition depuis le 19 août 2005 à Zurich. C’est votre dernière apparition. Est-ce que vous êtes toujours athlète ? F.M. : Je n’ai pas encore raccroché. Je n’ai annoncé nulle part que j’ai arrêté l’athlétisme. Au contraire, je ne saurai le faire parce que j’ai encore beaucoup d’années devant moi et je sais que je ne suis pas complètement seule dans la poursuite de ma carrière. Il y a au moins une grande société comme la Camship […] qui me supporte depuis ma victoire à Athènes. Donc, je ne saurai abandonner les pistes. Après les Jeux olympiques d’Athènes, j’ai dû beaucoup dépenser physiquement et psychiquement. C’est une façon pour moi de prendre un peu de recul pour beaucoup de raisons… Rfi : D’après ce qu’on comprend, parce que vous ne voulez pas dévoiler toutes les raisons qui vous ont poussé à partir aux Usa, vous avez envie de faire un peu le point sur votre situation. Quelles sont les interrogations que vous avez sur votre famille, sur votre environnement ? Ca tient à quoi ? F.M. : Ca tient beaucoup plus à l’environnement. J’avoue que j’ai fait beaucoup de sacrifices comme tous les Camerounais le savent pour arriver à donner au pays cette […] médaille dans une compétition de haut niveau tels que les Jeux olympiques. Je suis un peu désolée du comportement de certaines autorités, surtout des ministres après ça…[NDLR : médaille olympique]. Rfi : Ce qui vous a blessée, ce qui vous a touchée, c’est un manque de reconnaissance après cette médaille d’or olympique ? F.M. : Oui, effectivement. Effectivement. Ca m’a beaucoup désolé. Je dis bien, je ne suis pas déçue, mais je suis désolée […] Des ordres ont été donnés par la plus haute autorité du Cameroun, au vu et au su de tout le monde, c’est passé dans les ondes ; on m’a promis beaucoup de choses ouvertement […] Eux-mêmes ils savent ce qu’il en est aujourd’hui […] Il y a malheureusement certaines vérités qui ne sont pas toujours très bien à mettre au grand jour, parce que ça risque non seulement décevoir, mais décourager beaucoup de jeunes […]. J’ai été beaucoup désolée. Et j’ai préféré prendre un peu de recul […], prendre un temps pour moi-même, m’occuper un peu de moi […] et faire avec ceux […] qui m’ont donné et qui me donnent aujourd’hui un coup de main pour que je puisse poursuivre ma carrière. Rfi : Françoise Mbango, vous êtes donc en année sabbatique, vous continuez à vous entraîner quand même ? F.M. : J’ai pas changé ma façon de travailler. Je suis en bonne santé. Je suis en pleine forme. Et sur les pistes, on me verra très bientôt. Ca, c’est certain. Je l’ai toujours dit par le passé, mon objectif principal, c’est à long terme. Donc les championnats du monde en 2007 […], défendre mon titre olympique [à Pékin en 2008]. RFI : Il y avait quand même les championnats du monde en salle au mois de mars à Moscou ; il y a eu les Jeux du Commonwealth récemment à Melbourne. Ca, c’est quand même des objectifs non, même quand on est championne olympique ? F.M. : Effectivement […] Mais c’est vrai que cette année, je ne voulais pas du tout faire les championnats en salle […]. Les Jeux du Commonwealth sont venus un peu plus tôt dans la saison […]. Je n’ai pas programmé ça dans mes tablettes, surtout que j’avais un autre objectif […] cette année en ce qui concerne la stabilité de ma vie et l’opportunité qui m’est donnée de donner un […] sens autre que sportif à ma vie […]. Propos: Ce que Mbango n’a pas dit… L’interview accordée à Rfi par la championne olympique du triple saut dimanche dernier mérite qu’on s’y attarde. On est en effet un peu gêné par les propos de Françoise Mbango. Certes, on ne peut pas ignorer qu’elle a passé des moments insoutenables avant et pendant les Jeux olympiques d’Athènes où, presque miraculeusement, elle a décroché la médaille d’or dans sa discipline. Abandonnée à elle-même, elle n’a pas eu l’opportunité de s’entraîner dans les conditions optimales, se contentant du coup de main de sa petite sœur Essepo Hélène et de l'ex-entraîneuse nationale des sauts du Cameroun, Ariane Bissick. En son temps, nous avons dénoncé la façon calamiteuse avec laquelle le gouvernement avait préparé cet évènement grandiose. Nous l’avons soutenue dans la galère qu’elle a vécue, célébrant au passage sa bravoure. Peut-on aujourd’hui dire, qu’aucune reconnaissance n’a été manifestée à son égard après cet exploit qui a permis aux couleurs du pays de flotter dans le ciel d’Athènes le 23 août 2004 ? En confiant sa colère à Rfi, elle indique clairement que rien n’a été fait pour récompenser ses efforts. La jeune femme de 30 ans est amère : “ on m’a promis beaucoup de choses ouvertement […]. Eux-mêmes savent ce qu’il en est aujourd’hui […]. Il y a malheureusement certaines vérités qui ne sont pas toujours très bien à mettre au grand jour, parce que ça risque non seulement décevoir, mais décourager beaucoup de jeunes […]. J’ai été beaucoup désolée ”, affirme-t-elle, restant muette sur la mobilisation et l’attention dont elle a été l’objet de la part des autorités. Pour avoir suivi cette athlète capricieuse qui nous a séduit par son talent et son abnégation pendant cette période en or, nous sommes en mesure de dire qu’elle fait preuve de mauvaise foi dans son entretien avec Rfi. Pluie de millions… Au-delà du pactole perçu (1,5 million Fcfa) pour refaire sa garde robe dans la perspective de la cérémonie de décoration par le chef de l’Etat, Françoise Mbango, qui a été accueillie en fanfare à son arrivée à Yaoundé en septembre 2004, ne peut pas nier avoir déchargé 25 millions Fcfa le 8 décembre 2004 auprès du directeur des Affaires générales du ministère des Sports, au titre des frais accordés par le Premier ministre pour la médaille d’or des J.O d’Athènes. L’honnêteté commande qu’elle reconnaisse également avoir été logée dans une suite au Mont Fébé du 8 septembre 2004 au 11 février 2005 par l’Etat. Sa sœur cadette a eu droit à une chambre simple. De sources proches de cet établissement hôtelier, elles y ont laissé une ardoise de 24. 521 880 Fcfa et 13. 738 950 Fcfa respectivement (soit au total 38 260 830 Fcfa), dont plus de 13 millions de frais de téléphone ! Cette facture fait d’ailleurs encore l’objet d’un contentieux entre le Mont Fébé et le Minsep, régulièrement sommé de la régler. Pendant la même période, l’Etat devait faire face à une ardoise de 26 millions Fcfa pour la location de la Mercedes de la championne olympique, en attendant l’achat de la Prado promise par le président de la République. Ce véhicule luxueux lui avait été remis au cours d’une cérémonie officielle au Minsep. Devant les caméras des télévisions nationales. Au vu et au su de tous…Françoise Mbango, selon des sources crédibles, a bénéficié d'autres largesses officielles dont celles du président Biya, connu comme un spécialiste de la récupération politique des résultats positifs de nos sportifs. Point besoin de revenir sur l'appui financier des sponsors et mécènes camerounais. Prime spéciale à problèmes Le nerf de la frustration semble être la difficulté pour Françoise Mbango d’entrer en possession de la prime olympique de 80 millions Fcfa également décidée par le chef de l’Etat. Cette somme devrait lui permettre de se préparer pour les Jeux olympiques de 2008 à Pékin, à raison de 20 millions Fcfa par an. Ses propos laissent entendre que cet argent aurait pris des destinations floues. Difficile en tout cas de comprendre les blocages qui l’empêchent d’en jouir, alors que les 80 millions en question ont été inscrits au budget du Minsep. De sources crédibles ici confirment que l’athlète n’a jamais touché un centime de cette prime spéciale. Elles précisent toutefois que l’argent est à disposition, la bénéficiaire devant simplement se soumettre à certaines conditionnalités. On croit en effet savoir que la bourse ne devait pas être remise en mains propres comme se font la plupart des paiements dans le milieu. Il lui avait été demandé de donner les informations complètes sur son domicile et son lieu d’entraînement, afin de faciliter les procédures de virement utiles à sa prise en charge effective dans le cadre de la préparation des prochaines olympiades. L’interview de Françoise Mbango à Rfi survient au moment où le Minsep et la Fédération camerounaise d’athlétisme étaient sans nouvelles de la star depuis plusieurs mois. Ces deux structures gagneraient à renforcer leur politique de communication, pour favoriser une meilleure circulation de l’information et anticiper sur ce type d’événement. Si elle décide en définitive de se lancer dans les études en communication ou marketing comme elle le dit, Françoise Mbango, qui attendrait un bébé (Cf. Mutations du 10 mars 2006), pourrait sans doute leur être utile…Nous ne désespérons pas d'entrer en contact avec la triple sauteuse pour avoir quelques détails sur la philosophie qu'elle développe et, éventuellement ses réponses à ces chiffres qui semblent trahir son discours. Norbert N. OUENDJI




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