Affaire Bakassi: le Nigeria Hésite

Par Thierry Ngogang | Mutations
Yaounde - 11-Aug-2003 - 08h30   55443                      
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Le Nigeria pose des conditions pour se retirer de Bakassi. Pendant ce temps, les Américains souhaiteraient envoyer des troupes dans la zone.
Selon des informations en provenance de l'agence de presse Reuters, c'est par le canal de Bola Ajibola, chef de la délégation nigériane à la commission chargée de régler le différend sous l'égide de l'Onu, que le Nigeria a fait savoir mardi dernier qu'il ne retirerait pas ses troupes de la péninsule de Bakassi tant qu'une nouvelle frontière ne serait pas clairement délimitée. Il a en outre ajouté que les droits des ressortissants nigérians doivent être respectés puisque 90% de la population de Bakassi est nigériane."Les troupes ne seront retirées de Bakassi qu'après la démarcation des frontières terrestre et maritime et le règlement de la situation des populations affectées. Ce sont de pauvres pêcheurs, des paysans. Nous devons nous assurer qu'ils ne sont pas harcelés", a relevé l'ancien ministre de la Justice et chef de la délégation nigériane. Dans le même temps, dans une interview accordée deux jours plus tard au service Afrique de la british Broadcasting Corporation (Bbc), M. Bola Ajibola déclarait que "Le Nigeria ne remettra pas la péninsule de Bakassi au Cameroun avant au moins trois ans". Une déclaration qui s'accomode mal du calendrier de travail de la Commission mixte pourtant validé par les deux parties sous l'égide des Nations unies le 06 aout dernier à Yaoundé, et qui prévoit successivement pour avril 2004 le début du retrait de l'administration civile, des forces militaires et de police nigériane de la prersqu'ie de Bakassi, et pour mai 2004, la fin dudit retrait. En fait, si le sort réservé aux populations est une revendication légitime, il n'est pas inutile de rappeler que les autorités camerounaises y ont déja répondu favorablement. En effet, tout au long des discussions, ces dernières n'ont pas ommises de rappeler notamment que le Nigeria n'avait pas le monopole des "populations affectées", puisque des ressortissants Camerounais sont aussi présents dans des zones qui doivent être rétrocédées au Nigeria en vertu de l'arrêt du 10 octobre 2002 reprécisant le tracé des frontières entre les deux pays. Pour l'instant, les deux parties semblent tout à fait d'accord sur la nécessité de la démarcation de la frontière qui doit permettre de déterminer avec exactitude les zones occupées enfin de débuter le retrait. Lesdits travaux de démarcation de la frontière entre les deux pays doivent débuter dans la zone du lac Tchad. Le budget de l'opération s'élève à près de 12 millions de dollars Us et seuls 2,5 millions de dollars, représentant la contribution à parts égales du Cameroun et du Nigeria, sont actuellement disponibles. Le reste des neuf millions et demi de dollars devra être trouvé auprès des bailleurs de fonds internationaux. Dilatoire Malgré l'engagement pris par les autorités d'Abuja selon lequel elles s'engageaient à retirer son administration et ses forces militaires et policières au cours des prochains mois, l'on sait très bien que le cas de la presqu'île de Bakassi constituera le principal point d'achoppement. Puisque depuis leurs accessions respectives à l'indépendance en 1960, les deux États n'ont cessé de se déchirer pour cette péninsule de 1000 Km2 dont on dit que le périmètre maritime qui l'entoure est extrêmement riche en matières minérales et en ressources halieutiques. Tirant 90 % de ses rentrées en devises du pétrole, la zone de Bakassi revêt pour le Nigeria, huitième producteur mondial, un caractère stratégique. C'est donc sans véritable surprise que l'on a appris récemment que, s'exprimant dans le cadre d'une réunion d'un groupe d'intérêt sur la piraterie maritime et le sabotage des pipelines à Yenagoa, la capitale de l'Etat de Bayelsa (Sud-Est du Nigeria) , le gouverneur de cet Etat, Diepreye Alamieyesegha, a révélé que des pressions étaient actuellement en train d'être exercées sur le gouvernement fédéral pour autoriser la présence des marines américains dans la région du Delta du Niger, riche en pétrole et frontalier de Bakassi. Selon le gouverneur Alamieyesegha , cette présence militaire aurait pour but de protéger les installations pétrolières américaines des attaques et violences incessantes perpétrées dans la région. L'ambassade des Etats-Unis au Nigeria a immédiatement réagi et démenti cette information, lui déniant "toute véracité". Le porte parole de l'ambassade a déclaré : "La responsabilité de la protection des vies et des biens dans la région du Delta du Niger incombe au gouvernement fédéral du Nigeria, pas aux Etats-Unis". Vérifiées ou non, ces révélations du gouverneur font suite à l'incapacité de l'Etat fédéral à assurer la sécurité de cette zone stratégique. Des statistiques officielles ont révélé que, à cause des actes de sabotage des pipelines, le pays d'Olusegun Obasanjo a perdu 300.000 barils de pétrole brut par jour. Selon les mêmes sources, ces attaques régulières, menées par des jeunes armés contre les compagnies pétrolières opérant dans la zone, entraîne pour l'économie nationale des pertes annuelles de l'ordre de 3,6 milliards de dollars.




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