Résistance: Les Nigérians refusent de quitter Bakassi

Par Thierry Ngogang | Mutations
Yaoundé - 27-Feb-2004 - 08h30   56167                      
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Les Nigérians organisent la résistance. Les membres de la commission mixte en visite sur la presqu’île ont été conspués par des manifestants mardi dernier.
D’après une information rendue public que par les médias nigérians et relayée par les correspondants de l’Agence panafricaine de presse (Pana) basés au Nigeria, l’on apprend que, le mardi 24 février dernier, des populations originaires du Nigeria basées sur la presqu’île de Bakassi depuis de longue date et évaluées, selon ces sources, à près de 10.000 personnes, ont copieusement hué les officiels de la commission mixte Cameroun/Nigeria qui s’étaient rendus sur les lieux conformément au calendrier établi d’un commun accord par les principaux protagonistes du conflit. Toujours selon les mêmes sources, sur les pancartes et autres supports de contestation, on pouvait notamment y lire des slogans du genre : " Cour internationale de justice ou Cour d’injustice ", " Le peuple de Bakassi défendra ses droits ". Etmi Okon Edet, l’un des chefs nigérians locaux, est même allé encore plus loin en déclarant : " Nous résisterons et nous nous défendrons jusqu’à la dernière goutte de sang plutôt que de nous livrer au Cameroun". De son côté, le chef de la commission, Oumar Viarrah, a déclaré que les membres de sa délégation s’étaient rendus à Bakassi pour apprécier les choses par eux-mêmes, car " les droits des populations concernées sont d’une importance capitale pour les Nations unies et les deux chefs d’Etat du Nigeria et du Cameroun ". Si ce type de réticences étaient plus ou moins attendue, en raison notamment de la supériorité numérique des ressortissants nigérians sur la presqu’île querellée, il ne serait pas du tout superflu de lier les événements qui viennent de se dérouler à Bakassi avec le revirement observé lors de la huitième et dernière session de la Commission mixte qui s’est tenue à Abuja les 10 et 11 février dernier. On se souvient que, non seulement, la délégation nigériane a choisi de faire du dilatoire en invoquant par exemple le manque de ressources budgétaires pour ne pas procéder au début de retrait de leurs forces militaires, mais en plus, à la surprise générale, elle a demandé une révision du calendrier de travail en promettant de soumettre un document complet à ce sujet lors de la neuvième session qui doit se tenir en principe à Yaoundé les 06 et 07 avril prochain. Pétrole Ce revirement contraste avec les embellies observées, d’une part, au milieu du mois de décembre dernier, lorsque le régime d’Abuja avait solennellement rendu au Cameroun 32 villages qu’il avait annexés depuis plusieurs années dans la région du Lac Tchad. Et d’autre part, après la rencontre du samedi 31 janvier dernier à Genève en Suisse au cours de laquelle, sous l’invitation du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, les présidents Biya et Obasanjo avaient une fois de plus réitéré leur intention de régler ce contentieux de manière pacifique. En tout état de cause, malgré ces différents atermoiements, rien pour l’instant ne laisse indiquer que l’arrêt de la Cour de La Haye ne sera pas respecté. Lors de la session d’Abuja de la commission mixte, l’on a même enregistré des signes encourageants. Les deux pays voisins se sont par exemple engagés à apporter chacun une contribution supplémentaire de 1,7 millions de dollars pour la délimitation de leur frontière commune, dont le coût est estimé à 12 millions de dollars. Ces derniers engagements portent à 6 millions de dollars les contributions des deux pays, qui avaient déjà décaissé 1,25 millions chacun. Ahmed Ould Abdallah, le représentant du secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, a prévu de se rendre dans les capitales occidentales, d’ici le mois prochain, afin de collecter les 6 millions de dollars restants pour la finalisation du projet. A titre de rappel, après près de dix ans de conflit armé, la presqu’île de Bakassi a été officiellement rétrocédée au Cameroun par un arrêt de la Cour internationale de justice de La Haye le 10 octobre 2002. Le même arrêt avait aussi réglé une fois pour toute la délimitation de la frontière commune entre les deux pays longue d’un peu plus de 1500km. Depuis cette période, sous la houlette du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Kofi Annan, les présidents Biya et Obasanjo ont décidé de résoudre le contentieux de manière pacifique. C’est ainsi que, à l’issue d’une réunion tenue à Genève le 15 novembre 2002, il a par exemple été institué une commission mixte qui se réunit tous les deux mois de manière alternative à Abuja et Yaoundé. Des sous-commissions chargées de prendre en compte les problèmes des populations et de la démarcation des frontières. Vu l’importance du sujet, il n’est même pas exclu que soit créée lors des toutes prochaines rencontres une sous-commission chargée de régler le différend maritime.




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