Jardin secret: Hoïgen Ekwalla, chanteur

Par Stéphane TCHAKAM et Josy MAUGER | Cameroon Tribune
Yaoundé - 03-Oct-2003 - 08h30   58751                      
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Le sentimental chanteur de makossa a accepté de se prêter au jeu: "Toute la vérité".
Il est venu jusqu’à nous. Question de charme et de savoir-vivre. Vous êtes à Douala depuis un certain temps. Etes-vous installé définitivement ? Non, je viens souvent parce que ma famille vit ici. Ma mère et ma sœur sont ici, mais cela fait 23 ans que je vis en France. Je suis la-bas avec mes cousins. J’étais venu parce que ma sœur se mariait au mois de mai et comme j’ai pas mal de choses à faire… Comment est-ce qu’on passe d’électricien à chanteur ? J’avais de l’admiration pour un cousin qui jouait de la guitare. Comme il avait des problèmes à jouer et à chanter au même moment, il m’a dit : " Tiens, tu pourrais devenir mon chanteur ". Et chaque fois qu’il jouait, je chantais pour lui et petit à petit, j’ai commencé à regarder comment il faisait les accords.. De temps en temps, je jouais et cela surprenait les gars du quartier. En très peu de temps, je jouais correctement à la guitare et je chantais. Je suis allé à Edéa au Lycée technique d’aujourd’hui où j’étais à l’internat. Je passais le temps à chanter et ma distraction c’était la guitare. J’ai même créé un groupe de musique là-bas. Ici à Douala, j’ai créé un autre groupe scolaire avec les Jean Claude Mbimbe, le bassiste Francis Mbappè et bien d’autres. C’est en ce moment que j’ai commencé à écrire. Les gens, y compris ma famille, se moquaient de moi. Je me rappelle la première fois que j’ai joué une de mes compositions. J’avais ma guitare et tout le monde a pouffé de rire. Le succès vous a-t-il changé ? Ce n’est pas ce que j’attends de la vie. Le succès, c’est juste quelque chose qui montre que l’on a fait du bon boulot. Je n’ai pas davantage eu la grosse tête. Je trouve que c’est un peu con. J’aurais pu avoir la grosse tête parce que je suis né dans une grande famille. Je ne suis pas venu de n’importe où. Maintenant, je fais de la musique et de la bonne. Ma famille et ceux qui l’écoutent sont fiers et contents que je sois resté le même. D’ailleurs le succès, je l’ai eu entre 1994 et 1998 et je n’ai pas fait de bruit. Ce n’est pas en 2003 que je fais maintenant de la musique de maintien comme on dit, pour essayer de sauvegarder mon image et pouvoir vivre de mon art, que je vais me vanter. Vous semblez très épanoui dans les rues de Douala au volant de votre voiture. C’est le bonheur ? Le bonheur de quelqu’un, c’est d’abord dans la tête. Je suis parti du Cameroun en 1980. En 23 ans, j’ai fait ce que j’ai pu au niveau de la France et ici au Cameroun. J’arrive à vivre sans avoir besoin de personne. C’est cela mon bonheur, c’est d’abord moi-même, je me sens bien dans ma peau. Quand je me réveille le matin et que je vois que chez moi les gens mangent, que je peux m’occuper de ceux qui ont besoin d’argent pour payer leurs études, je suis franchement comblé. Qu’est-ce qui est inscrit sur votre carte d’identité et qui est dans votre vie ? Mon nom est Ekwalla Mpouli Eugène, je suis né le 13 juin 1959 à Douala. Je suis de père et de mère Douala. Je suis de Deido. J’ai vécu maritalement en France pendant plus de neuf ans avec une fille dont j’ai versé la dot ici et que j’ai emmenée en Europe. Vous connaissez la vie des artistes, j’étais toujours parti. La fille était un peu abandonnée à elle-même. Les problèmes ont donc commencé entre nous deux et ça ne pouvait plus marcher. Elle a préféré que la relation s’arrête et nous nous sommes séparés. Ma récente histoire amoureuse est connue à Douala. Il y a trois ans, j’étais vraiment engagé, j’ai rencontré une fille ici, elle était très belle, très grande, de bonne moralité. On a commencé à vivre ensemble, mais j’attendais qu’elle finisse ses études. Bien après, elle était enceinte, je suis allé me présenter chez ses parents parce que je voulais l’épouser. J’ai versé la dot mais malheureusement, elle est décédée après un accouchement et l’enfant n’a pas survécu. Des enfants, vous en avez eus avant cette épreuve? Oui, j’ai deux enfants qui vivent ici à Douala. Le premier a 21 ans. Que vous ayez plutôt bien surmonté ces épreuves va conforter les gens dans l’idée que vous êtes un séducteur… Je suis toujours un séducteur parce que je dois maintenir, comme on dit, ma ligne. Je suis toujours le même, je ne prends pas trop de poids, je ne fais pas d’excès, je me maintiens, quoi ! Ceux qui ne me connaissent pas ont du mal à croire que j’ai l’âge que je dis. Ils ont l’impression que je rajeunis, pourtant je prends de l’âge. Un artiste doit toujours lutter pour maintenir sa forme, il ne doit pas être minable. Je m’arrange à être toujours propre. A partir de là, c’est sûr qu’on est séducteur pour ceux qui t’admirent ou te voient à la télé. Il y a beaucoup de gens qui m’admirent, qui sont séduits et ont envie de me rencontrer. Avec une telle hygiène de vie, vous êtes un élément un peu à part… Elément à part ? Cela dépend de quoi. Il y a beaucoup d’artistes qui sont comme cela. Ils savent qu’ils doivent avoir une tenue correcte. Mais il y en a qui ont des looks bizarres. En tout cas, l’artiste c’est l’artiste, chacun a son look. Moi je garde le mien : pas de jean déchiré. Je n’accuse pas les autres. Avec l’éducation que ma famille m’a donnée, il y a des choses que je ne peux pas faire. Quelle éducation avez-vous justement reçue? C’est l’éducation de base, on m’a appris qu’il faut être un garçon bien élevé. On m’a appris à m’habiller, à bien me comporter devant les gens. Ce n’est pas parce que je suis musicien que je vais être incorrect. Apparemment vous êtes très lié à votre famille, à votre âge vous habitez toujours chez vos parents… Mais famille, c’est quoi ? Vous êtes vous-même liés aux vôtres. Si vos parents n’avaient pas fait de vous ce que vous êtes aujourd’hui vous ne seriez pas là. Mais cela n’explique pas que vous viviez toujours chez eux… Je vis chez moi à Deido. Mon père est mort depuis 1964, j’avais à peine cinq ans. Que les gens qui racontent n’importe quoi continuent de parler. J’habite chez moi, c’est la propriété de mon père. C’est vrai, j’ai une sœur mais je suis le seul garçon. En dehors des valeurs que votre famille vous a inculquées, quelles sont celles que vous avez élaborées vous-même ? Je crois d’abord en moi-même parce que je sais que je suis un battant. Déjà, que je parte en France par moi-même et que je me batte pendant 23 ans m’a aidé à avoir " le chez moi ". Donc, c’est quelque chose. Il y a en a qui sont là depuis des décennies et qui vadrouillent. Le bilan est là et il est positif. En dehors de la musique, faites-vous autre chose, en terme de passions ou d’affaires ? Je vous l’ai dit, je suis électricien de formation. J’ai commencé ici et j’ai continué à Paris. J’ai également fait hôtellerie et j’ai travaillé pendant onze ans dans un hôtel sur les Champs Elysées. Beaucoup le savent et c’est là que j’ai gagné ma vie. Je faisais en même temps la musique. J’ai une autre passion pour la conduite. J’ai voulu faire la formule 1 amateur en France, mais je n’avais pas les moyens. Vous gagnez quand même assez d’argent? Non, ça ne se dit pas. Il ne faut pas que l’on vienne m’agresser par rapport à cela. Mais j’ai gagné suffisamment pour que je puisse manger aujourd’hui.




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