Cameroun - Rejet de l’immunité des Ministres: L’honorable Martin Oyono s’insurge contre le Sénat qui, selon lui, veut tricher et faire de la récupération

Par Adeline ATANGANA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 09-Jul-2016 - 16h37   57417                      
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Député Martin Oyono Archives
Dans un article d’opinion parvenu à notre rédaction, l’honorable Martin Oyono, député RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) de l’Océan, dénonce une attitude du Sénat qui veut s’adjuger l’initiative des tractations en coulisses qui ont abouti au rejet de la très contestée immunité des ministres dans le nouveau Code pénal qui attend sa promulgation par le président de la République.

«Il est regrettable qu’après avoir fui ses responsabilités, le Parlement, au lieu de remercier le Président de la République pour l’amendement de l’article 127, veuille tricher et faire de la récupération à travers le Sénat, qui n’avait rien modifié dans ce Code et qui se glorifie au lieu de glorifier le président de la République.

Pour certains de mes collègues qui se sont plus manifestés comme des avocats du Gouvernement et non du Parlement leur employeur, il faut avouer qu’en dehors de leurs penchants pour les marchés publics que leur octroient certains membres de l’exécutif, ils ont choisi de servir les mauvais disciples du RDPC».

Ci-dessous, l’intégralité de la Tribune de l’honorable Martin Oyono qui a été le seul député du parti politique au pouvoir, à s’opposer publiquement contre l’adoption du projet de l’article 127 qui accordait l’immunité aux membres du Gouvernement.

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Immunité des ministres

«Le président de la République SEM Paul Biya a finalement tranché non pas le Sénat sur l’épineuse question de l’écriture du fameux article 127 du nouveau Code pénal qui se lit désormais « est puni d’un emprisonnement du un (1) à cinq (05) ans, le magistrat ou l’officier de police judiciaire qui poursuit, arrête ou juge quiconque, en violation des lois sur les immunités».

Par cet acte, le Chef de l’État démontre une fois de plus le manque de prise de responsabilité voulue ou non des responsables d’institutions chargées de l’accompagner dans la réussite de ses missions à la tête de l’État.

Aussi pour ceux qui sont surpris de l’assurance qui accompagne mes prises de position et mes actions, contrairement aux flagorneurs qui chantent le RDPC alors qu’ils sont les adversaires du RDPC, qui chantent Paul Biya et qui sont les mauvais élèves du Renouveau et ses valeurs, je me suis résolu depuis mon adhésion dans le RDPC, en toute humilité, d’être un disciple du RDPC et du Renouveau.

Puissent donc ceux de mon parti au Parlement, comme au Gouvernement, qui ont récemment condamné mon attitude sur ce code pénal, comme pour les autres sujets antécédents, me pardonner pour mon engagement naïf dans la lutte contre la corruption ou les détournements de deniers publics et la protection du respect de notre Constitution.

Contrairement à mon attitude dans la vie civile avant mon entrée en politique, je me suis senti investi d’une mission, celle qui me permettra de jouer pleinement mon rôle dans le parti qui m’a investi et à l’Assemblée Nationale, qui est mon employeur.

Que les mauvais élèves du RDPC ne me condamnent pas, mais condamnent les textes de base qui sont le contraire de ce qu’ils font que les mauvais élèves du Renouveau national ne me condamnent pas, mais condamnent les valeurs du Renouveau et celui qui les incarne.

Au Parlement, nous les élus du RDPC devons-nous positionner clairement sur l’objet de notre mission et nous poser la question de savoir qui nous servons, le président de la République, président national du RDPC et le peuple camerounais ou les gestionnaires de la fortune publique pour des intérêts égoïstes et mercantiles ?

Ceci dit pour revenir à notre fameux code pénal, il est regrettable qu’après avoir fui ses responsabilités, le Parlement, au lieu de remercier le président de la République pour l’amendement de l’article 127, veuille tricher et faire de la récupération à travers le Sénat, qui n’avait rien modifié dans ce code et qui se glorifie au lieu de glorifier le président de la République.

Pour certains de mes collègues qui se sont plus manifestés comme des avocats du gouvernement et non du Parlement leur employeur, il faut avouer qu’en dehors de leurs penchants pour les marchés publics que leur octroient certains membres de l’exécutif, ils ont choisi de servir les mauvais disciples du RDPC.

N’ont-ils pas compris le sens profond du fameux séminaire au comité central du RDPC lors de la session de mars 2016 quand, sur l’initiative des ministres de l’Eau et de l’Energie, ainsi que de la Santé publique, il était donné instruction au Parlement de s’abstenir de critiquer les membres du gouvernement même quand tout allait mal, au détriment des «grandes réalisations».

Donc le dépôt du projet de loi portant code pénal n’était pas le fruit du hasard, car fort de sa puissance anesthésiante présumée sur les parlementaires, certains mauvais élèves cadres du RDPC n’avaient pas compté avec la résistance des Républicains du parti.

Et comment nous qui nous disons fidèles et fiers de notre grand parti, n’avons pas perçu l’impact psychologique négatif de la révélation sur la genèse de cet avant-projet ?

Un membre du Gouvernement en poste dans un ministère, maître d’ouvrage d’un marché public, qui attribue ce marché à son propre cabinet au détriment d’autres soumissionnaires même si ces derniers étaient médiocres, pose quand même un vrai problème de gouvernance !

Cette confusion et ce mélange de droits qui aboutit à la pénalisation des actes relevant du Code du travail, du Code civil ou du code de la famille devraient à eux seuls, entraîner non seulement son invalidation, mais plus logiquement la non-promulgation du texte par le président de la République.

Une autre question et non la moindre, c’est celle de l’opportunité de l’adoption de ce Code pénal incestueux ! En effet, depuis 2010, le Parlement de la République a voté la loi portant création du Tribunal criminel spécial, cette instance qui, bon an mal an, a accompli ses missions et qui usant de la faculté du remboursement du corps du délit contre l’arrêt des poursuites, ne devrait pas inquiéter les membres du gouvernement, pas tous, mais surtout ceux qui sont soupçonnés de détournements.

Lorsque la guerre contre Boko Haram s’est déclarée, le Parlement camerounais, sur la demande du président de la République, a aussi voté la loi sur le terrorisme ; ce que le peuple a également approuvé.

Mais s’agissant du Code pénal querellé, l’interrogation du peuple camerounais sur son opportunité et sur celle de l’ancienne formulation de l’article 127 portait sur la question de l’efficacité de la justice au cas où un membre du gouvernement venait à mettre cinq, dix ou quinze ans au gouvernement sans possibilité de le décharger de ses fonctions ministérielles. De plus, la question se pose de savoir si, chaque fois qu’un membre du gouvernement devait être poursuivi d’une infraction, il fallait que le chef de l’État procède à un réaménagement du gouvernement ?

Et au rythme où, au cours des derniers mois, on a enregistré des arrestations significatives des détournements des derniers publics dans les processus de réalisations de grands projets du chef de l’État, l’opportunité d’exemption de poursuite des membres de l’exécutif était contre-productive.

De plus, la force des textes, en ce qui concerne les privations de liberté pour les officiers de police et des magistrats, ne pouvait naturellement que pousser ces derniers à l’immobilisme en lieu et place de l’exercice du pouvoir que leur confère la Constitution, pour une bonne préservation du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs.

En définitive, la nouvelle rédaction de l’article 127 répond sauf déformation volontaire des hommes de mauvaise foi, aux dispositions légales conformes à la Constitution qui disposent que les bénéficiaires du régime des immunités puissent justifier des textes de loi conséquents.

Pour l’instant, c’est donc la loi et non le décret ou tout autre acte réglementaire qui procurent l’immunité querellée. En revanche, le président de la République, par son pouvoir souverain, peut décider de soumettre à l’examen du Parlement un projet de loi accordant une immunité comme la sienne ou comme celle des parlementaires aux membres du gouvernement qu’il nomme.

En attendant, puissent les uns et les autres s’atteler plus à être des imitateurs de celui-là même qui incarne les valeurs de rigueur et de moralisation et ce n’est alors qu’être protégé par une quelconque immunité, même parlementaire ne sera plus une priorité, mais être des citoyens modèles, assurément oui, pour que vive la République exemplaire».

Par Martin Oyono
Député de la nation
Grand Officier de l’Ordre de la Valeur

Auteur:
Adeline ATANGANA
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