Julienne Zanga, écrivaine, face à Cameroon-Info.Net

Par | Cameroon-Info.Net
Paris - 13-Jan-2003 - 08h30   64424                      
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"... Un écrivain a toujours quelques chose à dire, qu'il soit engagé ou pas. Personnellement, j'ai des choses à dire sans toutefois chercher à jouer la donneuse de leçons... "
A Paris où elle est installée, Julienne Zanga fait partie des jeunes écrivaines Camerounaises. Elle vient de publier son premier roman: "Alima et le Prince de l'Océan", qui déjà rencontre un grand succès. Spontannée, belle, elle nous parle de sa passion. Cameroon-Info.Net: Qu'est ce qui pousse la jeune Maîtrisable en Sciences Sociales que vous êtes dans l'écriture? Julienne Zanga: Le mal du pays, cet irrépressible envie de se retrouver dans l'ambiance du continent, même si c'est uniquement par l'imagination. Quand je suis arrivée en France en 1996, l'adaptation ne fut pas évidente pour la jeune mère de 22 ans que j'étais et sans travail à cette époque. Alors, pour m'occuper et recréer un peu de mon Afrique, je me suis mise à pianoter sur l'ordinateur familial. Cameroon-Info.Net: Vous décrivez la savane comme si vous y avez véçu. Comment peut-on parler avec autant d'exactitude d'un milieu qu'on connaît mal? Julienne Zanga: Dans Alima et le prince de l'océan, mon premier roman paru en 2001, la savane y tient une place importante. En 2000, j'ai eu la chance de découvrir pour la première fois la savane camerounaise et je suis tombée sous le charme. En voyant les cases de chaume sur les bords de la route menant à Waza ou les merveilleux paysages de Rumsiki, je replongeais dans les livres scolaires de mon enfance, quand on nous parlait des Kirdis ou du nord du pays. Là, j'y étais vraiment en personne. J'y suis restée moins de 10 jours, mais cela a suffi pour emmagasiner pleins de souvenirs dans ma tête. Cameroon-Info.Net: Vous avez déclaré que : "Trouver un éditeur a été un vrai parcours du combattant". Comment s'est passé la suite, pour les compatriotes qui veulent se lancer dans ce monde, à quelles portes doivent-ils cogner? Julienne Zanga: Au départ, je croyais effectivement qu'il suffisait d'avoir un manuscrit pour trouver un éditeur. Je me trompais. L'offre (de manuscrits) est abondante et seuls quelques élus sont appelés. Si j'avais quelques conseils à donner, le premier serait de s'armer de persévérance. Puis, peaufiner son travail en le faisant lire à des personnes compétentes (tout en l'ayant protégé auparavant auprès d'une société de droits d'auteurs bien sûr). Ensuite, il faut cibler les maisons d'édition, connaître leurs collections et le nom du responsable. Après, tout est une question de chance. Un manuscrit peu être refusé ici et accepté ailleurs. Il ne faut pas non plus oublier qu'envoyer des manuscrits à des maisons d'édition nécessite un certain coût financier, car c'est généralement en recommandé … à moins d'avoir la possibilité de s'y rendre sur place. Un vrai éditeur ne vous fera jamais payer quoi que ce soit. Quand vient le moment de signer le contrat, malgré la joie et le soulagement, mieux vaut le lire dans les moindres détails, voire demander conseil à un expert pour éviter des surprises désagréables plus tard. Cameroon-Info.Net: Un célèbre écrivain français avait déclaré : "On n'est pas écrivain pour avoir choisi de dire quelque chose, mais pour avoir choisi de le dire d'une certaine manière". Je cite J.P. Sartre. Votre manière à vous c'est quoi? Julienne Zanga: Je suis plutôt pour la seconde partie de la citation. Un écrivain a toujours quelque chose à dire, qu'il soit engagé ou pas. D'ailleurs, je pense que chaque écrivain est plus ou moins engagé. Personnellement, j'ai des choses à dire (à faire partager plutôt) sans toutefois chercher à jouer la donneuse de leçons. Notre continent regorge d'une telle richesse culturelle et ma manière de la raconter, c'est par l'écrit, avec des mots simples. J'accorde beaucoup d'importance à l'histoire et pas uniquement à la forme. Je n'ai aucun goût pour le style alambiqué ou les phrases trop compliquées. Mon but, avoir une littérature accessible à tous. Je suis aussi profondément panafricaine et cela se ressent dans le choix de mes personnages, qui viennent des quatre coins de l'Afrique. Cameroon-Info.Net: Quand vous parlez du rite d'invocationn des Mamiwatas (genies mythologiques Africains), c'est quelque chose qu'on vous a expliqué? Julienne Zanga: Pas du tout. Durant mon enfance à Yaoundé , nous vivions à quelques centaines de mètres d'une communauté pratiquant un rite nommé EBOKA. Evidemment, les adultes nous recommandaient vivement d'éviter "ces sorciers". Pour ma part, je ne les considérais pas comme tel. C'était une partie de mon héritage et je ne voyais pas pourquoi je devais en avoir honte. Plusieurs nuits, je suis restée éveillée, bercée par la beauté de leurs chants. Dans mon adolescence, j'ai aussi eu à assister à des cérémonies collectives de guérison. Ajoutez à cela les chants des femmes lors des tontines ou des veillées mortuaires, les contes de mon enfance… et une imagination fertile, et vous avez un rite d'invocation des mamiwatas inventé de toutes pièces. Cameroon-Info.Net: Que signifie ce parcours d'Alima votre héroïne de la savane vers la côte? Julienne Zanga: C'est un procédé littéraire qui m'a permis de montrer la diversité géographique et culturelle du continent. Je m'explique. Dans quasiment tous les pays africains, la savane et la côte sont omniprésentes. Dans Alima, les paysages se basent sur ceux du Cameroun, mais n'importe quel lecteur africain peut les transposer chez lui. De plus, je déplore la méconnaissance que nous avons parfois de nos propres pays, difficultés financières obligent. Il m'a fallu attendre ma 26ème année pour connaître le nord de mon pays ! Je pense sincèrement que si on voyageait plus souvent à l'intérieur de nos pays, le tribalisme serait moins prégnant. On peut aussi voyager, découvrir d'autres univers par la lecture. Dans ce livre, le lecteur entreprend donc un voyage qui le conduira de la savane à la côte, un parcours initiatique en quelque sorte en espérant qu'au passage, nombre de ses préjugés tomberont. Cameroon-Info.Net: Pensez-vous que tout le monde a un destin tracé comme celui d'Alima, auquel on n'y peut rien? Julienne Zanga: Je suis contre le fatalisme, qui tend à tuer tout esprit d'initiative. A quoi bon, puisque ça devait arriver ? Je suis contre cette façon de penser. Il faut savoir bousculer le destin, être artisan de sa vie. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, Alima n'a pas un destin tracé. Un oracle a juste prédit que son avenir se jouera ailleurs, loin de la savane. Quand Alima arrive sur la côte, elle pose certains actes comme chanter sur la plage la nuit, alors que cela est interdit par la tradition. C'est d'ailleurs ainsi qu'elle rencontrera Shango, le prince des mamiwatas. Si elle était restée dans son coin, cela ne serait pas arrivée. Cameroon-Info.Net: Vous êtes en édition de votre second ouvrage; il parlera de quoi? Julienne Zanga: Mon second ouvrage est un recueil de huit nouvelles ayant pour cadre l’Afrique ou ses communautés parisiennes. Il est intitulé EBONI (Celui qui courait après un corps) et paraîtra en février 2003. Pour en savoir plus, on peut aller sur mon site Internet http://www.juliennezanga.com où j'ai mis quelques extraits en ligne. Sinon, en voici un extrait du résumé : "…Dans la nouvelle éponyme qui se déroule à Yaoundé (mais ce pourrait être n’importe quelle capitale africaine) Derek, le personnage principal, est conduit au bord du meurtre par Eboni, son insatiable amante. Rêves croisés, entre Afrique et Europe, relate les émouvantes retrouvailles de deux êtres que la vie a séparé. Dans La Jamaïque rêvait de l’Afrique, Malika retrouve confiance en la gent masculine grâce à Peter, jeune Jamaïcain en pleine quête identitaire. Nostalgie des années 70 et réflexion sur la fidélité sont le fil conducteur d’Esther Bouaké. Retour à la banlieue parisienne avec Les amants de Saint Denis à la rencontre d’Ahmed, jeune marocain vivant mal sa relation avec une femme plus âgée. Parti de sa Yougoslavie natale, Olec Tchernikov, rebelle dans l’âme, succombe au charme de l’Afrique. Son chemin croisera celui d’Aimée, jeune mère de famille trompée par son mari. En arrière plan, une sombre histoire de drogue qui va transformer la vie des deux protagonistes. Dans Le miracle de la Saint-Sylvestre, un footballeur international, après le départ de sa conjointe, décide d’aller se ressourcer sur la terre de ses origines. Paillettes, strass et magie s’allient dans cette nouvelle où on découvre aussi que le comportement d’un adulte trouve souvent son origine dans une blessure de l’enfance. A Paris, Binta, métisse afro?antillaise, rencontre dans le cadre de ses études un jeune chef d’entreprise cambodgien dans Un goût d’inachevé qui parle de ces histoires qui n’aboutissent jamais, mais aussi du rapport que peut entretenir une jeune issue de la diaspora noire avec l’Afrique. Dans ce recueil de nouvelles, le monde apparaît résolument divers. Les lieux, les peuples, les personnages se côtoient, chacun avec sa différence, mais portés par les mêmes sentiments universels." Cameroon-Info.Net: Vos lecteurs et internautes aimeraient savoir si vous êtes marié? Julienne Zanga: (Rires) J'ai quelqu'un dans ma vie et j'espère faire un bon bout de chemin avec lui. Cameroon-Info.Net: Vous travaillez dans le social à la Mairie de Paris. Trouvez-vous le temps de vous consacrer entièrement à l'écriture? Julienne Zanga: C'est une question d'organisation. J'écris généralement pendant les vacances ou le week-end. Il me faut du calme et de la concentration, ce qui est impossible en semaine. Cameroon-Info.Net: Qu'est ce que les lecteurs et internautes ne savent pas de vous? Julienne Zanga: ( Eclat de rires) Chacun doit toujours conserver une part de mystère, son petit jardin secret. J'ai déjà assez dit sur moi, le reste est de mon jardin secret. Cameroon-Info.Net: Un mot sur les écrivains Camerounais? Julienne Zanga: " Trois prétendants un mari " de Guillaume OYONO MBIA, " Le fils d'Agatha Moudio " de Francis BEBEY, " Les bimanes " de Séverin Cécile ABEGA sont mes favoris. Côté femme, j'ai un faible pour Evelyne MPOUDI NGOLLE avec son roman " Sous la cendre le feu ", paru chez Harmattan en 1990. C'est un vrai délice, ce livre. Cameroon-Info.Net: Qu'elles sont vos qualités? Julienne Zanga: Trop sincère et directe. Cela me cause parfois des inimitiés car malheureusement, la vérité est la chose la moins acceptée. Je suis aussi quelqu'un de loyale, le genre à se faire couper la langue que de livrer un secret qui m'a été confié. Cameroon-Info.Net: Vos défauts? Julienne Zanga: Impatiente et exigeante. J'aime le travail bien fait et tolère très peu la paresse. Cameroon-Info.Net: Qu'est ce qui vous attire chez les autres? Julienne Zanga: La loyauté, la confiance, la générosité de cœur. J'aime aussi les gens motivés, qui en veulent, les battants qui agissent. Cameroon-Info.Net: Qu'est ce que vous détestez chez les autres? Julienne Zanga: Le mensonge, l'abus de confiance, le non-respect de la parole donnée. Je supporte aussi très mal les éternels victimes, ceux qui passent leur temps à geindre, convaincus que le ciel leur est tombé sur la tête. Cameroon-Info.Net: Quels sont les mots qui vous caractérisent? Julienne Zanga: Ténacité, loyauté, ambition, respect des autres. Cameroon-Info.Net: Le plus grand écrivain pour vous? Julienne Zanga: J'en ai plusieurs, pas uniquement par rapport à la valeur littéraire de leurs œuvres, mais surtout au message véhiculé : Aimée CESAIRE, Cheik ANTA DIOP, James BALDWIN, Emile ZOLA entre autres. Cameroon-Info.Net: Nous allons vous soumettre à un exercice : Faites une critique de Cameroon-Info.Net. Julienne Zanga: Difficile de répondre à une telle question, car je ne vois pas trop ce que je pourrais reprocher à ce site. Si ! Pas assez de publicité. Imaginez-vous que je vous ai découvert il y à peine deux mois … et par hasard. Je venais de mettre en ligne mon propre site web et lors de mes reférencements, je tombe sur cameroon-info.net. Inutile de dire que j'ai été conquise. Le bouche à oreille c'est bien, mais il faudrait parler plus de vous. Etant femme, je souhaiterai aussi qu'il y ai une rubrique spéciale qui nous soit dédiée. Sincèrement, je n'ai pas encore fait le tour du site et à chacune de mes visites, je découvre de nouvelles choses. Par exemple, j'ai beaucoup apprécié l'interview de J-V EDOU, le fondateur de Cameroon-Info.Net. La page People est aussi riche d'enseignements sur le parcours de nos artistes. La communauté regorge de forces vives, et c'est bien de le montrer. C'est bien de garder un contact entre le pays et nous qui vivons à l'extérieur. Notre soif d'information est très grande et Internet offre beaucoup de possibilités à ce niveau. Alors, longue vie à Cameroon-Info.Net. Cameroon-Info.Net: Je vous remercie. Vous pouvez vous procurer le premier ouvrage de Julienne Zanga, "Alima et le Prince de l'Océan" via le Cyber Marché de Cameroon-Info.Net. Cliquez ICI. Le second ouvrage "EBONI (Celui qui courait après un corps)", sera également disponible sur votre site dans quelques semaines.




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