Cameroun - Covidgate: Des acteurs politiques dénoncent les marchés publics accordés à certains députés

Par Béatrice KAZE | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 01-Jun-2021 - 11h56   12500                      
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Nourane Foster, député PCRN Wouri Est droits reservés
Militants et responsables au sein des partis politiques tels que le MRC, le SDF ou encore l’UNDP, tous sont unanimes sur le fait qu’un député de la Nation ne devrait pas gagner les marchés publics.

Après des ministres, des députés seraient à leur tour éclaboussés par le Covidgate, nom donné à l’affaire relative à l’audit sur la gestion des fonds alloués à la lutte contre la pandémie de coronavirus, et qui a mis à nu des cas de mauvaises gestions, de malversations financières et de détournements de fonds.

Depuis quelques jours, plusieurs députés à l’Assemblée Nationale, parmi lesquels l’honorable Nourane Fotsing (députée PCRN), sont particulièrement sur la sellette. Ils sont accusés, à tort ou à raison, d’avoir reçu des marchés dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire. A titre d’exemple, l’entreprise Stec Sarl, qui serait proche de la députée du Wouri, a gagné un marché spécial d’approvisionnement en matériel médical (combinaisons de travail et sur-chaussures), le 24 juillet 2020, pour un montant cumulé de 74.900.000 FCFA.

Contactée par le journal Le Messager, l’honorable Nourane Fotsing a rejeté ces accusations. L’élue «a indiqué qu’elle n’est en rien concernée par cette affaire. Elle a corroboré qu’il s’agissait certainement des affabulateurs de Facebook qui veulent certainement nuire à son image», peut-on lire dans les colonnes de l’édition du journal en kiosque ce mardi 1er juin 2021.

Quoi qu’il en soit, en attendant de démêler l’écheveau, des acteurs politiques s’accordent à dire qu’un député de la Nation ne devrait pas exécuter des marchés publics. «La loi doit créer une incompatibilité entre les deux. Il ne peut exécuter ces marchés et contrôler l'action du gouvernement. Le pouvoir l'a compris depuis. C'est la raison pour laquelle à un moment donné, le secrétaire général de l'Assemblée nationale était en même temps ministre des Finances. Les députés étaient complètement piégés. Tous les projets de lois devaient passer sinon les marchés étaient bloqués... Nos honorables doivent être plus sérieux que cela…», estime Saidou Maidadi, membre du Bureau politique de l'UNDP, dont les propos sont relayés dans les colonnes du journal.

Un avis que partage Jean Robert Wafo, ministre du Shadow cabinet du SDF en charge de l'information et des médias. «Un député qui gagne ou exécute un marché public est un tricheur qui utilise sa position pour faire du trafic d'influence sur les ordonnateurs de dépenses. Quand un député ou un proche parent d'un député s'investit dans les marchés publics, ses intérêts influencent forcément son jugement. Ce conflit d'intérêts le disqualifie de fait pour mériter la confiance du peuple dans son rôle constitutionnel de contrôle de l'action gouvernementale. Sa crédibilité est ipso facto ruinée puisqu’il ne pourra plus exercer son mandat en toute indépendance. Le Cameroun dispose de plusieurs instruments pour débusquer ces tricheurs en écharpe tricolore qui se camouflent le plus souvent derrière des noms d'emprunt. Le système gouvernant en profite toujours pour les tenir en laisse. C'est ce qui explique le silence assourdissant de certains députés devant des scandales qui épinglent certains ministères», soutient le militant du SDF.

Joseph Emmanuel Ateba, Secrétaire national à la communication du MRC, pense plutôt que le pouvoir exécutif a pris en otage tous les autres pouvoirs. «Comment voulez-vous qu'un député qui gagne les marchés dans les conditions de clientélisme soit exigeant quand il doit contrôler les comptes de celui qui lui donne les marchés ? L'ordonnateur qui donne le marché à un député ignore-t-il que c'est à un député qu'il donne le marché ? Le ministre sait qu'en donnant le marché, ce dernier sera obligé de fermer les yeux sur sa gestion. Avec l'argent le pouvoir exécutif a pris en otage tous les autres pouvoirs et c'est pour cela qu'on ne pourra jamais parler de séparation de pouvoir au Cameroun tant que Biya est président», martèle le Secrétaire national à la communication du MRC.

 

 

Auteur:
Béatrice KAZE
 @T_B_A
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