Les investitures des candidats du le RDPC, le parti au pouvoir, pour les élections régionales du 6 décembre 2020 ont été contestées par de nombreux militants écartés. Ces derniers dénoncent, entre autres, «des discriminations» ou encore «une chasse aux sorcières».
Pour Jean Simon Ongola, militant et ancien député du RDPC, «les dysfonctionnements observés sont des faits en total contradiction avec l’option résolument démocratique voulue par le Président Paul Biya pour son parti, mais plus grave encore en violation parfois flagrante de l’esprit et de la circulaire du Secrétaire général du Comité Central organisant le processus de sélection et l’analyse des futurs candidats du RDPC aux élections régionales».
«Loin des procès d’intention au demeurant inutiles, laisser passer sous silence ces agissements est inacceptable. Les personnes importent peu; ce qui compte ce sont les idées et notre capacité d’envisager l’avenir après une réflexion objective sur nos erreurs. Sans être en rébellion vis-à-vis du Parti, de nombreux esprits libres doivent faire entendre leur musique, en prenant le risque de subir un ostracisme impitoyable, organisée par la machine disciplinaire du Parti qui n’épouvante plus grand monde», soutient l’homme politique.
Voici l’intégralité de sa tribune
Le RDPC: acteur principal à l’avant-garde des changements profonds qui secouent notre société
Par Jean Simon ONGOLA*
La publication des listes des candidats acceptés par Elecam, en vue de l’élection des conseillers régionaux le 06 décembre 2020, nous donne l’opportunité de tirer les enseignements des investitures au sein du Rdpc. Cet exercice doit se faire dans la sérénité, sans passion mais sans complaisance. Les dysfonctionnements observés sont des faits en total contradiction avec l’option résolument démocratique voulue par le Président Paul Biya pour son parti, mais plus grave encore en violation parfois flagrante de l’esprit et de la circulaire du Secrétaire général du Comité Central organisant le processus de sélection et l’analyse des futurs candidats du Rdpc aux élections régionales. Loin des procès d’intention au demeurant inutiles, laisser passer sous silence ces agissements est inacceptable. Les personnes importent peu ; ce qui compte ce sont les idées et notre capacité d’envisager l’avenir après une réflexion objective sur nos erreurs. Sans être en rébellion vis-à-vis du Parti, de nombreux esprits libres doivent faire entendre leur musique, en prenant le risque de subir un ostracisme impitoyable, organisée par la machine disciplinaire du Parti qui n’épouvante plus grand monde.
Nombreux sont les militants de la premières force politique du Cameroun qui s’interrogent sur l’exemplarité de ceux que nous appelons élogieusement les élites, au sein du Parti. Leur rôle dans le processus des investitures n’aura pas été exempt de tout reproche dans bien des circonscriptions. En incarnant le pouvoir réel ou symbolique et en osant tout sans aucune borne, pour imposer le candidat de leur choix, certaines élites ont créé un climat délétère et inimaginable au sein du Parti. Le RDPC n’a pas le monopole de la pratique de la sélection de ses candidats par investiture, de nombreux partis politiques le font dans divers pays. Cependant, si une marge de subjectivité dans le choix des candidats est tolérable, le nécessaire lien de confiance entre les élites dirigeantes et la base ne doivent pas se distendre. Nous devons éviter de reproduire à chaque élection les mêmes erreurs. Le choix porté sur des militants loyaux, engagés et compétents, y compris ceux qui sont hors caste, est un levier indispensable dans la pérennisation de notre mouvement politique.
Le risque de faire éclater les militants en biyayiste et rdpciste n‘est pas à négliger car les deux doivent rester unis et indissociables. Au fond, certaines élites du Parti brillent par leur arrogance alliée à une volonté d’instrumentalisation et de manipulation des militants pour des desseins égoïstes et personnels. Les relations conflictuelles avec la base sont la conséquence du manque d’objectivité et de la légèreté auxquelles on assiste lors des investitures dans certaines localités. Un climat de défiance voire de désaffection alimente la contestation de certains choix validés par les organes centraux du parti.
Les valeurs du Rdpc, prônées par le Président National Son Excellence Paul Biya, ne peuvent pas prospérer lorsqu’une forme de népotisme avec des relents de courtisanerie devient le fil rouge de l’action de certaines élites du Parti. Il y a lieu de s’inquiéter sur l’effritement des valeurs qui sont les piliers du socle fondateur du Rdpc. Il est préoccupant dans certains territoires de voir le Parti pris en otage par des stipendiers qui imposent à la base des candidats en total opposition avec des populations très souvent acquises aux idéaux du Parti et soutiens granitiques du Président Biya. Plus que jamais le Rdpc est condamné à se réinventer et se positionner comme acteur principal à l’avant-garde des changements profonds qui secouent notre société.
Proposer des solutions, agir en anticipant mais non en réaction, telle est la mission du Parti en ces temps très particuliers de l’histoire de notre pays. La nécessité d’appréhender et d’apporter des réponses aux questions d’aujourd’hui n’autorise pas à ignorer les véritables challenges de demain. Convaincre et rester à l’écoute des aspirations nous oblige à faire évoluer notre logiciel politique, franchir le rubicond sans hésiter au lieu de nous complaire dans des polémiques mortifères qui affaiblissent le Parti. Il n’y a pas de mystère, le changement réel n’est jamais spontané. Nous devons nous y préparer. Nous avons des ressources pour le faire. Le Rdpc n’est pas une secte de fidèles en adoration devant quelques élites s’étant autoproclamé «Grand Maître», c’est un parti de masse, populaire, qui pour sa pérennisation doit chaque jour élargir ses composantes essentielles : les militants et militantes de base, la jeunesse, aux antipodes des manœuvres orchestrées par quelques opportunistes.
Le succès du Rdpc ne peut être que collectif. Il a été construit depuis sa fondation par le Président Biya en 1985, patiemment, avec une machine efficace à conquérir, à conserver le pouvoir et à gagner les élections, à gouverner le pays sur les voies escarpées du développement et de la démocratie. Nous devons faire preuve de lucidité, de détermination et de courage en rompant avec les méthodes fort détestables qui sont la marque de fabrique de certaines élites dirigeantes. La politique est un mix qui fait appel à un esprit d’équipe et à de fortes individualités. Manier les oppositions, concilier les contraires, s’adapter aux changements profonds de notre société. De nombreuses élites du Rdpc restent enfermées dans la logique du parti unique et pensent être dans le camp de la vérité ; ce qui n’est pas seulement une erreur, mais une faute politique.
En réalité, entre les élites et la base, il y a moins de points de rencontre que de terrain de mésentente. Un jeune militant du Rdpc, dans la désespérance et sans perspective, m’a lancé, furieux, ces mots d’Hervé Bourges, en me parlant de notre Parti « La question n’est plus de savoir si la révolution peut s’accomplir et si le plus grand nombre le souhaite, mais quand et sous quelle forme elle s’accomplira ». La méfiance est sans cesse croissante vis-à-vis de ces militants qui s’embourgeoisent politiquement et dont la vision de demain est limitée par les appétits d’aujourd’hui.
«Le poisson pourrit par la tête» dit l’adage populaire. Les élites du Parti, plus que jamais, doivent prêcher par l’exemple. L’ivresse du sommet ne peut pas tout permettre. Eviter de laisser prospérer au sein du Rdpc des injustices flagrantes à l’encontre des militants dévoués et compétents est une dérive dont il faut se prémunir. Nous ne pouvons plus nous permettre d’occulter nos clivages, d’effacer les débats et les confrontations essentielles de notre agenda, au risque de nous autodétruire. Le prochain congrès du Rdpc ouvrira, à n’en point douter, de nouvelles perspectives dans une dynamique de refondation.
*Ancien député à l’Assemblée nationale du Cameroun