Hubert Mono Ndjana conteste à Michel Modo la paternité de l’oeuvre d’art.
Qui est le géniteur du sceau de l’Etat ?
Le Cameroun écrit-il son histoire avec la gomme ? Assurément ! Alors qu’on croyait le processus de la reconnaissance de la paternité du " Sceau de la République " à son " auteur ", un autre prétendant vient de se dévoiler à l’opinion publique nationale par l’entremise de son fils et de Hubert Mono Ndzana, professeur des universités bien connu.
" M. Modo ne peut prétendre être l’auteur de l’œuvre qui deviendra le sceau de l’Etat au Cameroun. C’est mon père, Fabien Abana Ndzana qui est le père du " Sceau de la République ". Il a réalisé cette œuvre le 1er octobre 1960. A l’époque, il était âgé de 39 ans et exerçait comme dessinateur calqueur à l’aéronautique civile. C’est son patron Camille Chabeau qui lui avait suggéré de prendre part au concours sur le sceau de la République lancé par l’Assemblée législative du Cameroun. Plus tard, son œuvre sera baptisée, " la fille de Abana Ndzana ". Michel Modo est le jeune frère de Louis Marie Lemana qui exerçait à la Sopecam au moment de la publication de l’article sur le dessin de mon père ". Cette attitude de Nzana Abana, le fils de Fabien Abana Ndzana (que le quotidien gouvernemental, Cameroon Tribune, par la plume de Jean Ambassa présentait mercredi, 17 juillet 1985 comme le dessinateur du sceau de la République), vient de relancer le débat sur la paternité du dessin figurant une tête de jeune fille qui a été retenue comme le sceau de l’Etat.
A la suite du fils de Fabien Abana Ndzana, Hubert Mono Ndzana craint que les pouvoirs publics pourraient pécher par précipitation en accordant la paternité de cette œuvre à un " imposteur ", alors que les prétentions pourraient se relativiser d’elles-mêmes. Pour l’universitaire, " le conte de Michel Modo est trop beau pour être vrai ". " Tous les psychologues du monde vous diront que même Picasso ne pouvait produire ce qu’il décrit. A sept ans, l’enfant fait le dessin naïf. M. Abana a revendiqué ses droits toute sa vie sans jamais les avoir obtenu jusqu’à sa mort en 2001, à 80 ans. Il me semble que M. Modo profite de sa disparition pour s’approprier cette revendication. Il peut, par des techniques bien connues, avoir repris un dessin avant de faire vieillir le papier ", estime-t-il, faisant allusion à un dessin daté de 1957, que Michel Modo brandit comme preuve de la paternité du sceau.
Selon la documentation que Hubert Mono Ndzana et son protégé mettent à notre disposition, depuis au moins 1980, Fabien Abana Ndzana a successivement écrit au ministère de l’Information et de la Culture de l’époque, à la Société camerounaise du droit d’auteur (Socadra) et surtout, à la présidence de la République pour réclamer ses droits sur sa réalisation artistique. Dans la même mouvance, le 10 mai 1993, Fabien Ndzana Abana adressait une autre correspondance à la direction générale de l’Organisation africaine de la Propriété intellectuelle (Oapi), dans l’espoir de voir cet organisme voler à son secours. En vain !
Auparavant, le 18 janvier 1987, la direction générale de la Socadra, dans une correspondance, en guise de réponse, demandait à M. Abana Ndzana de fournir " une délibération ou une adoption de l’Assemblée prouvant le lien qui existerait entre la tête de la fille du sceau de la République et votre dessin intitulé " la fille d’Abana Ndzana ". Des pièces que l’ayant droit de l’auteur affirme avoir été transmises à la direction de la Socadra du vivant de M. Abana. Un abondant courrier a circulé entre les différentes administrations en charge du dossier et le concerné jusqu’à sa mort, sans succès. En face, Michel Modo qui a les mêmes prétentions sur le sceau de l’Etat, brandit des correspondances qu’il adresse aux autorités camerounaises depuis 1970. Il rejette en même temps l’idée selon laquelle, il profite de l’absence de M. Abana pour s’approprier son travail. " Depuis mon retour au Cameroun au début des années 80, je revendique mes droits.
M. Abana était bien vivant en 1999 lorsque la première commission a siégé pour examiner ma requête. Je le dis et maintiens que j’ai réalisé mon dessin sur la demande de l’abbé Théodore Tsala le 29 janvier 1957. " «Il est important que l’opinion sache que je n’ai jamais dit qu’au moment où l’exercice m’a été confié, j’ignorais la fin. Bien plus, l’histoire d’Afiri Kara n’est pas de moi. Mais de l’abbé Théodore Tsala. Seul le dessin est ma représentation ", réagit-il à cette autre revendication. Ouvert au débat, il dit tenir tous les arguments susceptibles de confondre ses contradicteurs. Au regard de la détermination des protagonistes à continuer à se battre pour la reconnaissance de leurs droits, une chose est sûre, le débat ne vient que de commencer. La question de la gestion du patrimoine culturel du Cameroun est une fois de plus posée. Car, en plus de simples dates, lieux et acteurs de certains événements, le Cameroun a mal à ses repères, y compris les symboles de la République.