Pressentie comme PCA de la Socim qui va naître à Limbe, la chanteuse justifie les choix de la mouvance Sam Mbendè....
L'interview:
Pourquoi votre détermination à occuper le poste de Pca de la nouvelle société de droits d’auteurs, contre l’opposition de certains artistes ?
J’arrive au Cameroun un soir, je tombe sur Sam Mbendè, un ami de longue date, qui me contamine ses larmes. Notre souffrance était que les administrateurs de la Socinada avaient détourné plus de deux milliards de francs Cfa pendant que nos cassettes et Cd étaient massivement piratés. Quand je fais une composition, je mets tout ce que j’ai appris. C’est une partie de moi qui parle, l’idéal que j’ai, les valeurs que j’ai acquises de mes parents d’abord et ensuite de la société. Que des détourneurs de fonds publics, des pirates et autres criminels sans vergogne passent outre les efforts que nous faisons pour profiter gratuitement du fruit de nos œuvres est inacceptable. Que Sam Mbendè, Guy Lobè ou quelqu’un d’autre soit Pca, n’a pas d’importance. Ce que nous voulons, c’est l’assurance que les choses vont changer, que l’artiste pourra vivre de son travail car, cela est tout à fait possible. Nous avons besoin de personnes compétentes. A mon avis, la place de Pca revenait de droit à Sam Mbendè, pour l’énormité du travail qu’il a abattu, pour la force, la volonté, l’énergie et les finances qu’il a mises pour faire ce travail. Mais il m’a dit : «Je suis fatigué, tu prends le relais !», et je lui ai répondu, «Ok !». Les artistes tels que Guy Lobè, Nadia Ewandè et tous les autres m’ont dit : «Oui, vous avez été ensemble depuis le début, à l’époque, quand ce combat commençait!». Ce n’est pas d’aujourd’hui : nous ne voyons là que la gestation toute faite, mais cela fait quatre ans que ça dure, l’enfantement a été des plus laborieux. Maintenant que l’enfant va voir le jour, comme toujours, Satan dit : «Je suis là, Seigneur, tu ne m’oublies pas, tu sais que je suis toujours là ! J’ai décidé de te prouver que je suis là !» Si certains sont sortis du noyau de travail originel, c’est parce que ce n’est pas leur nom qui a été proposé. Il y en a qui n’ont pas eu l’acharnement au travail comme nous, qui n’ont pas fait tout ce qu’on a fait, qui n’ont pas cotisé autant que nous. Ceux-là ont voulu que le public soit juge d’une histoire qui ne viendra jamais au tribunal, simplement parce qu’elle devait rester uniquement entre les artistes.
Une frange d’artistes pense que vous n’avez pas la carrure nécessaire pour diriger la nouvelle société de droits d’auteur…
Aujourd’hui, nous assistons à une symphonie mal réglée, à une cacophonie intellectuelle des artistes camerounais. Je me demande jusqu’où cela peut continuer. Je me suis posée la question : est-ce qu’il vaut mieux rester en dehors et tout subir ou alors se jeter à corps perdu dans la bataille ? Et puis je me suis dit : «Essaie de donner le meilleur de toi-même, si tu ne t’en sors pas, tu auras quand même essayé. Et c’est la première fois que chez nous, l’Histoire peut choisir une femme. La mère de l’Humanité, qui porte l’enfant dans son ventre, a peut-être un message à faire passer. C’est Freud qui disait : «Ce n’est pas moi que cette femme aime, c’est la place que j’occupe.» Ce n’est donc pas moi qu’un petit groupe de confrères déteste, c’est la place que j’occupe. En dehors du fait d’être Pca, j’ai quand même une grande notoriété, je ne vis que de ce métier. Ce qui gêne c’est que les gens estiment que c’est un poste d’argent. Le seul fait d’être la femme de… ou d’être belle ne suffit pas. Nous avons décidé, dans le noyau dur, de rompre avec le passé, avec les malversations. On a été spoliés, et les histoires de piraterie continuent. Cela fait quatre ans qu’on se bat pour les droits d’auteur. Pour certains, mon discours ne sera pas compréhensible. Pour d’autres, la majorité, le message va sûrement passer. Si on invoque les raisons de la partie adverse, à savoir qu’ «elle est jeune, elle n’a pas la poigne pour occuper ce poste, elle a peut-être la voix pour dire» (elle déclame une mélodie veloutée, Ndlr).
Que pouvez-vous apporter de plus que le camp adverse ?
Si on peut mettre notre expérience, nous les jeunes, au service de ce métier qu’on a choisi qui n’a pas toujours de structure, ça ne peut que nous aider, ça ne peut qu’aider l’artiste camerounais. Si je suis donc Pca, j’ai un boulot monstre à abattre. Et je ne suis pas seule, nous avons un programme de travail, parce que je vais travailler en étroite collaboration avec les autres administrateurs, avec un noyau dur qui continue de bosser, car jusque-là, si l’on a obtenu des résultats, c’est parce que nous nous sommes tenus la main, chacun a eu son rôle à jouer.
Vos contradicteurs disent que c’est un lobby de producteurs et éditeurs qui vous tient et vous vous laissez emballer par eux, alors qu’ils n’ont pas les mêmes intérêts que vous…
Ils ont les mêmes intérêts que nous : ils sont producteurs, ils sont éditeurs des musiques qu’ils produisent, et qui sont dansées par des Camerounais. Il y en a même qui sont auteurs. Moi je ne vois pas ce qu’ils entendent par là. Ce n’est déjà pas explicite dans leur tête, ils ont en plus du mal à le faire passer. Les éditeurs sont avec nous et la nouvelle société est une société de tous les auteurs.
Ces adversaires estiment que vous êtes le bouclier de certaines grosses fortunes, qui se recrutent notamment parmi ces producteurs…
J’apprécie votre politesse, il a fallu que vous preniez des tournures, de peur de me choquer. Ceux qui font allusion à Jean-Pierre Saah ne comprennent rien à la chose. Je tiens à dire ici que Jps n’a rien à voir dans ce que nous faisons ; il ne sait même pas ce que ça peut lui rapporter, il s’en fout même à la limite. Je suis même parfois outrée de voir la passivité de ces grands producteurs. Mais rassurez-vous, ils seront désormais engagés dans le combat. Quand les gens ont atteint le paroxysme de leur vacuité, ils racontent même que Jps nous a remis une importante somme d’argent. Il n’en est rien ! Et moi, j’aurais même voulu qu’il mette de l’argent dans cette affaire. Ceux qui nous combattent le plus sont ceux qui ont travaillé et qui ont gagné de l’argent dans le cadre de la liquidation de la Socinada. Comme leur manœuvre devrait en principe prendre fin le 21 janvier prochain, ils font tout pour s’accrocher. Moi, je ne flirte pas avec la bêtise, je ne rigole pas avec l’intelligence des autres, je ne fais pas semblant d’aimer quand je n’aime pas. On ne peut pas gérer des intérêts et faire comme si on dansait sur un pied, ça n’a pas de sens. Ceux qui ont besoin à tout prix d’une place au sein du conseil d’administration de la Socim, n’ont qu’à se rendre à Limbé la semaine prochaine pour poser leur candidature
Interview réalisée par Tongo Etondè et Eugène Dipanda, Mutations