Jean Jérôme Bayiha "Mc Coy": Le preneur d'otages de Garoua !

Par Thierry Ngogang | Mutations
Yaounde - 22-May-2003 - 08h30   52056                      
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De la communication au Kidnapping politique. L’organisateur du rapt manqué de Garoua présente un parcours atypique. En réussissant à cristalliser l’attention de l’opinion publique par le kidnapping (manqué) des enfants des autorités administratives de la province du Nord sous le prétexte d’exiger le retour du corps d’Ahmadou Ahidjo, Jean Jérôme Bayiha qui, entouré d’une dizaine de gardes du corps, avait déjà annoncé sa candidature pour la présidentielle de 2004 le 22 septembre dernier à Paris, fait une entrée remarquée sur la scène politique camerounaise.
Comme on pouvait s’y attendre, cette intrusion sème aussi le trouble dans sa propre famille. Si elle avoue quelque peu être surprise par l’acte posé à Garoua par son frère aîné, Marie Rose Dibong, Présidente des femmes de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) et directeur général adjoint du Crédit foncier du Cameroun, dresse de lui un portrait plutôt ambigu. " Mes frères et moi ne l’avons pas vraiment connu. Après avoir obtenu son baccalauréat en 1965, il s’est envolé pour la France. Nous étions assez jeunes et nous nous sommes très peu revus depuis lors. On sait simplement qu’il a été adopté par un Américain du nom de Mc Coy et qu’il s’est spécialisé en Communication politique aux Etats-Unis ", révèle-t-elle. En fait, si les membres de sa famille ont quelque peu perdu au fil des années le contact de Jean Jérôme Bayiha, ce dernier qui est né le 08 novembre 1943 à Makak, n’a jamais perdu le nord. Une fois parvenu en Occident, il a mis à profit ses années d’apprentissage en communication pour se faire rapidement de l’argent. Selon la présidente des femmes de l’Undp, " C’est un véritable génie. Il est doué d’un charisme certain. Je le sais, parce qu’il m’en a apporté les preuves, qu’il a travaillé dans le domaine de la communication pour de nombreux chefs d’Etat étrangers tels Gnassingbe Eyadema, Laurent Gbagbo ou encore Marc Ravalomanana lorsque ces derniers étaient en campagne. Au fil des années, il a mené une vie de rêve. Il s’est bâti une immense fortune en vivant dans des grandes demeures et en roulant en Rolls Royce. Je peux même affirmer qu’il a eu des milliards ". De pays en pays, Jean Jérôme Bayiha s’est bâti une réputation plus ou moins controversée. Le Cameroun ne semble pas avoir été exempt. Puisque des sources bien informées affirment que, il avait été pressenti un moment pour assurer la direction de la campagne du candidat Titus Edzoa. Cela lui aurait valu à l’époque quelque interrogatoires serrés. Quelques temps plus tard, recommandé par le directeur du Cabinet civil de l’époque, Martin Belinga Eboutou, il apporte sa participation à Paul Biya pour le compte de la campagne présidentielle d’octobre 1997. Les mêmes sources révèlent qu’il a été floué par la présidence de la République, qui n’aurait pas respecté l’engagement financier prévu. Si personne ne remet fondamentalement en question son talent, les Ivoiriens estiment par exemple qu’il a effectivement servi auprès de Laurent Gbagbo, avant de se voir impliqué dans la déstabilisation du régime de ce dernier au mois de septembre dernier. Joint au téléphone par l’hebdomadaire l’Oeil du Sahel, un responsable du parti au pouvoir à Abidjan, le Front populaire ivoirien (Fpi), révélait qu’il ne se contentait pas de faire de la communication, mais qu’au passage, " il était un dangereux négociant d’armes, d’ailleurs interdit de séjour en Côte d’Ivoire ". Rebelle De sources concordantes, la vie privée de Jean Jérôme Bayiha est aussi tumultueuse que sa vie publique. Converti de son propre aveu à l’Islam au milieu des années 70, il a eu de nombreuses épouses de nationalités différentes. " Il a trois enfants issus de ses différents mariages. Il a effectivement eu des épouses américaine, française. Celle avec qui il vit actuellement est malgache. A un moment donné, il s’est même retrouvé au Cameroun avec quatre d’entre-elles, toutes de nationalité française. Certains de ses mariages se sont déroulés de manière somptueuse. Seulement, il lui arrive de connaître de grands passages à vide où il se retrouve apparemment assez démuni. Mais, cela ne dure jamais bien longtemps, on apprend ensuite qu’il se trouve dans un autre coin de la planète et qu’il y roule carrosse ", avoue un de ses proches. Pour ce qui est de son séjour au Cameroun, il serait récemment arrivé au pays avec sa compagne malgache et leur fils. Après quelques jours passés à Yaoundé (où il avait l’habitude de louer de grandes villas), il se serait ensuite rendu à Garoua pour mener certaines activités qui le lient au fils de l’ancien président, Mohamadou Badjika Ahidjo. Sa sœur Rose Dibong qui est présentée jusque-là comme celle ayant permis le contact entre les deux hommes revient sur le sujet : " Il y a quelque temps, j’ai eu un contact par un homme d’affaires apparenté à la famille Ahidjo qui recherchait une secrétaire de direction de bon niveau. Mon frère était au Cameroun avec ses épouses française et malgache. Malgré leurs compétences dans le domaine informatique, ces dernières ne menaient aucune activité. J’ai donc proposé l’une d’entre elles à cet homme d’affaires. Mon frère est donc entré en contact avec ce monsieur et l’a subjugué au point où il l’a engagé avec ses deux épouses. C’est à ce moment là qu’il est entré en contact avec Badjika Ahidjo avec qui il aurait monté une Ong. Je n’en sais pas plus ". Pour l’instant, la présidente des femmes de l’Undp se dit préoccupée par le sort de certains membres de la famille comme Haoua Rose, qui est actuellement incarcérée à Garoua pour avoir simplement hébergé Jean Jérôme Bayiha sans connaître le but réel de sa visite à Garoua. Le principal concerné n’en démord pas : " Je suis membre d’une organisation qui se bat pour le retour de la dépouille du président Ahidjo au Cameroun. Badjika Ahidjo était bien au courant de tout ce qui se tramait. Il a tout simplement paniqué et l’affaire a tourné au vinaigre. Nous avons voulu prendre ces enfants en otage pour obliger le gouvernement camerounais à plier… ".




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