Le décret du 24 août dernier portant réorganisation du gouvernement a vu la naissance du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation. On espère que le vide constitutionnel en matière des régions sera enfin comblé. La régionalisation n’atteindra son rythme d’auto-développement que lorsqu’elle disposera du transfert des moyens adéquats. Ce transfert peut se faire graduellement compte tenu des périodes d’adaptations…
Les systèmes de gouvernance à travers le monde sont très variés. La mondialisation et les contraintes politiques du village planétaire ont conforté cette tendance. Le respect des droits de l’homme et de la femme, offrir aux peuples des conditions et des moyens d’existence décents, à quelques nuances idéologiques près, les tâches auxquelles s’attellent tous les gouvernants démocrates que l’histoire honorera.
Des valeurs standard universelles s’établissent et rendent de plus en plus vulnérables tous ceux qui s’en écartent. Au Cameroun, notre système est une résultante de notre position géographique et de notre histoire.
Le vent de la Baule a su jeter les bases d’un État de droit ou chaque sensibilité devrait s’exprimer et évoluer dans un cadre démocratique. Le multipartisme, La diversité et la liberté de la presse sont les meilleurs remparts contre toute déviation de cette trajectoire. L’alternance ou la confiance renouvelée, fruit de ce choix, est sur le plan politique un modèle pour les jeunes démocraties.
Malheureusement la démocratie ne peut survivre sans soutien économique. Le chômage, l’analphabétisme, la maladie, la pauvreté sont les obstacles qu’il faut vaincre. La dignité du citoyen repose sur sa culture, son emploi et sa santé. On ne peut cesser de rappeler au gouvernement et aux acteurs économiques l’importance de ce volet dans la construction d’un État développé.
Or les structures administratives sont l’interface de premier ordre des secteurs économiques auxquels elles doivent apporter une assistance efficace. Une pyramide qui débute à la commune, la province et préfecture, région et se termine au gouvernement. Chaque partie doit s’acquitter de son rôle dans les meilleures conditions. Au gouvernement les politiques générales, orientations, planifications et l’infrastructure d’intérêt national, aux régions la conception et la réalisation de plans de développements régionaux. Les provinces, préfectures et communes en dehors de leurs programmes s’intègrent dans la logique régionale.
Une interdépendance et complémentarité dans la conception et l’exécution de la politique de développement économique et social. Par la régionalisation des objectifs s’opère une division entre le central et le régional qui amène une meilleure implication des uns et des autres. Aux régionaux les études et planifications qui deviennent. Des sources de mobilisation et de motivation les incitant à tirer le meilleur profit des potentialités de leurs régions.
Les exemples des pays du Nord viennent conforter cette thèse. Les modèles Allemands, Anglais, Américains, Espagnols, Français, Italiens, sont un gage supplémentaire de la réussite de cette réorganisation régionale et nationale.
Des structures régionales avec des compétences législatives, financières et administratives lui permettant de s’affirmer, de connaître ses besoins, d’évaluer l’échelle de ses priorités et d’exprimer collectivement, nonobstant la diversité des partis et des courants politiques, ses aspirations.
La constitution du 18 janvier 1996 a consacré la région comme collectivité territoriale. « Le Cameroun est un Etat décentralisé. Les collectivités décentralisées sont les régions et les communes » stipule l’article 1er , alinéa 2 de cette constitution. Jusqu’à ce jour, seules les communes fonctionnent normalement alors que les régions ont été mises au placard.
Le décret du 24 août dernier portant sur la réorganisation du gouvernement porte en son sein un fait très important : le changement de dénomination de l’ancien Ministère de l’Administration Territoriale. Celui-ci devient : Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation. On espère bien qu’après cinq ans de vide en la matière, les régions verront enfin le jour. Il reste alors à définir les contours des missions régionales, la composition de leurs conseils et leurs moyens financiers. Pour que tout cela soit effectif, une loi, dans les prochains jours devrait donc suivre.
Nos régions agiraient alors comme les communes, provinces et préfectures, avec leurs projets spécifiques, de tailles moyennes, ce qui peut être appelé du saupoudrage en termes de développement. Elles se comporteraient comme auxiliaires et non comme acteurs principaux.
Nous vivons toujours après quarante années de volonté politique les prudences et craintes engendrées à juste titre par la mission historique de l’Etat Nation unifié et la compromission de l’intégrité territoriale.
Parmi les modèles occidentaux, l'expérience allemande est la plus probante à cause du degré de liberté laissé aux laenders dans la conception de leur développement. Leurs budgets atteignent quatre-vingt pour cent des dépenses de l’État. La grandeur d’une nation réside dans sa capacité à initier et à appliquer les réformes dictées par les nécessités économiques et sociales dans des durées raisonnables. Notre pays dispose des compétences intellectuelles en mesure de relever tous les défis.
Imaginons des régions comportant des mini-parlements composés d’élus locaux, de députés, de conseillers, des représentants des chambres professionnelles, des syndicats, des associations et d’un pourcentage d’universitaires et d’hommes d’affaires. L’ensemble travaillant dans un cadre de lois Organiques de fonctionnement entraînant des études, des planifications, des cessions ; des votes, une mobilisation permanente de ce législatif à côté de l’exécutif.
La régionalisation n’atteindra son rythme d’auto-développement que lorsqu’elle disposera du transfert des moyens financiers adéquats. Ce transfert peut se faire graduellement compte tenu des périodes d’adaptations. Les secteurs sociaux tels que la santé, l’enseignement, l’Urbanisme et l’Habitat, le Transport, le Tourisme et loisirs, les Equipements techniques, l'eau, l'énergie, les communications peuvent constituer le premier volet.. L’ordonnancement serait assuré par les directeurs régionaux dans cette phase transitoire. Plus tôt nous commencerons cet apprentissage, plus tôt nous collecterons ses fruits. Plusieurs étapes nous attendent. Le découpage provincial actuel est-il indiqué? Les études des schémas de développement et d’aménagement régionaux nécessitent quelques années. Programmer les réalisations dans un plan national et leur affecter les moyens financiers correspondants exige également d’autres délais. Nous entamerions alors un grand chantier pour lequel la mobilisation générale serait la clé de la réussite. Un chantier d’un quart de siècle qui mettra le Cameroun définitivement dans l’orbite des pays développés.