Cameroun: L'ancien Jounaliste de la CRTV Dieudonné Tiné Pigui est mort ce Samedi 17 Juin 2017 aux Etats-Unis

Par Adeline ATANGANA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 17-Jun-2017 - 15h02   11465                      
22
Dieudonne Tine Pigui D. Tine Pigui
L’ex présentateur de «Regards sur le monde» et du tout premier journal à la télévision nationale avait quitté le Cameroun il y a 23 ans pour aller travailler aux  Nations-Unies à New-York.

 

Dieudonné Tiné Pigui n’est plus. Le professionnel de l’information et de la communication a rendu l’âme  dans la matinée de ce samedi 17 juin 2017 des suites de maladie aux Etats-Unis.

Il y a 23 ans, ce journaliste qui est entré dans l’histoire de la télévision nationale en présentant le tout premier journal télévisé le 20 mars 1985, était parti de son pays natal pour aller travailler aux Nations-Unies à New-York. Pendant son séjour à la télévision nationale, il a aussi marqué les esprits par sa présentation de « Regards sur le monde » un programme sur l’actualité internationale.

Ci-dessous, quelques hommages rendus à l’illustre journaliste depuis l’annonce de son décès.

Non, non, non, non...Dieudonné Mangui-Pigui

"On perd un grand talent. Un maître de la plume et du micro."
Il s'est éteint pour nous pour qu'une étoile naisse au ciel. Un génie s'éclipse.
Le 12 avril 2017, je te dédiais un texte hommage. Depuis ce jour un émouvant et intense échange s’établit entre nous jusqu’au décès de Jean Karim Fall, ton camarade de promotion. Alors, Dieudonné après Jean Karim Fall, c’est à ton tour de ranger, ton calepin, ton stylo et le micro. Voici ce que tu nous laisses comme témoignage. 
« Merci De Gaulle Christophe. J'ai vu aujourd'hui les nombreux posts me concernant sur votre page Facebook où figure ma photo. Je me suis senti obligé de répondre à toutes les questions et supputations exprimées par les internautes et concernant ma modeste personne. Je ne m'attendais pas à tant d'intérêt vis à vis de mon humble personne et de mon statut...
La vie et ses épreuves nous apprennent la modestie. Nous ne sommes jamais ce que nous prétendons être. Nous sommes ce que nos semblables voient en nous ou font de nous. Car quelque part leur regard est le reflet de la volonté divine. 
J'ai fait de mon mieux avec les dons que Dieu m'a donnés et je n'ai jamais baissé les bras, quel que soit l'obstacle à franchir. Je crois en la force de la volonté et ma foi en mon Créateur me soutient. Bonne soirée. »
Au décès de Jean Karim Fall, tu écrivais sur cette page: "On perd un grand talent. Un maître de la plume et du micro. Je perd un ami, rencontré sur les bancs de l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ). Il était de la 56eme promotion. Je suis de la 57eme..."
Je viens de t'écrire, mais contrairement à ton habitude, tu n'as répondu. Est-ce silence définitif, Dieu-donné? Dieu a-t-il repris ? En toi, notre paysage médiatique perd une de ses perles. "Seul le silence est grand..."

Signé De Gaulle Christophe


--

Poème pour Dieudonné Tiné Pigui, publié il y a deux mois.

CTV, puis CRTV et le "village électoral" À la télévision naissante au Cameroun, Il y avait d'illustres voix parmi elles Celle d'un homme à l'allure unique, Son prénom était Dieudonné Ses noms étaient: Tiné Pigui

Il présentait une émission: "Regards sur le monde". Son générique était célèbre, Une identité remarquable Son présentateur Son générique Sa diction, Son débit, Son flow Et le décor de cette grand messe du samedi soir avant "Dynastie'', Tout en cette émission était beau, et extraordinairement bien fait.

Excités Captivés, Fascinés, Agglutinés Lettrés et illettrés Fils et filles en communion, Tous attendaient la grand-messe.

Un des grands moments du journalisme, C'était l'époque de la télé naissante et glorieuse. Après la fascination, l'admiration, vint le désenchantement. Voici la construction du Mémorial contre l'oubli national.

De Gaulle Christophe

--

Extrait d’une interview de Dieudonné Tiné Pigui, menée par le confrère Alain Blaise Batongué et publiée dans le quotidien Mutations du 17 janvier 2006

Parlons un peu de vous-même: dans quelles conditions vous êtes parti du Cameroun pour les Etats-Unis ? 

J'ai quitté le Cameroun au mois de juin 1993, après avoir passé un concours pour l'université de Harvard. Ça n'a pas été facile parce que j'étais théoriquement francophone. Il m'a fallu travailler ma connaissance de l'anglais en même temps que j'exerçais mon métier de journaliste à la Crtv. C'est un concours que j'ai passé grâce à Dieu et grâce surtout à l'aide et au soutien de l'ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun en cette période, Mme Frances Cook. C'est elle qui m'a fait savoir que ce type de filière existait, lors d'un cocktail offert à l'occasion du 4 juillet (fête nationale des Etats-Unis d'Amérique, Ndlr). J'étais souvent invité dans les missions étrangères parce que je faisais une émission parlant essentiellement de politique étrangère. C'est elle qui m'a dit " pourquoi n'allez-vous pas vous améliorer, vous avez un fort potentiel ". Je lui ai dit que l'anglais n'était pas mon fort, elle m'a répondu que c'est une question de volonté. C'est comme cela que je suis parti. J'ai passé le concours de la fondation Ford qui a payé mes études, qui sont extrêmement chères dans cette université. Mes frais de séjour aussi, ils les ont pris en charge. Ça m'a donné la chance de faire ce programme d'études au cours duquel j'ai eu l'occasion de rencontrer pratiquement toute la classe politique américaine. Que ce soit les parlementaires, les sénateurs, certains membres de l'administration ainsi que les milieux d'affaires. 

On vous attendait au Cameroun après votre formation… 

A la fin de mon programme d'études, je comptais effectivement revenir au Cameroun pour mettre ces connaissances au service de mon pays. Malheureusement, on m'a rendu la vie difficile. J'ai même saisi qui de droit, suivez mon regard, par un courrier personnel et un courrier adressé par le président de l'université de Harvard. Je n'ai jamais reçu notification d'une réponse. Plus d'une année plus tard, le secrétaire général de la présidence de l'époque, Joseph Owona, m'a envoyé un courrier administratif, c'est-à-dire la langue de bois. Je me suis donc dit au lieu d'aller m'enfermer dans un mouroir à la Crtv, je vais explorer d'autres possibilités. C'est comme cela que j'ai quitté Cambridge dans le Massachusetts où est l'université de Harvard. Je suis allé à Washington Dc et je me suis présenté à la Voix de l'Amérique. Une semaine après, ils m'ont offert un contrat. J'ai fait de la radio à la Voix de l'Amérique, mais mon ambition ce n'était pas de travailler pour une radio gouvernementale. Au bout de neuf mois, j'en suis parti parce que j'avais envoyé un dossier à la division des Opérations pays de la Banque mondiale. J'ai reçu un coup de fil et on m'a convoqué pour une interview. C'est ainsi que j'ai été recruté à la Banque mondiale comme consultant en communication. On m'a affecté aux opérations des pays de l'Afrique centrale et de l'océan Indien. J'ai passé un an et demi en tant que consultant dans les pays de l'océan Indien, c'est-à-dire Madagascar, l'Île Maurice, les Seychelles, les Comores. C'est une région que je connais très bien. 

Et comment rebondissez-vous aux Nations unies ? 

Etant consultant, mes contrats étaient renouvelés selon la durée des projets à mettre en oeuvre. Je concevais des stratégies de communication pour aider les gens à comprendre l'ajustement structurel. J'ai organisé des séminaires pour des parlementaires, notamment à Madagascar, des sessions de formation à la chose économique pour la presse locale. Je passais trois mois sur le terrain, je revenais à Washington pour un mois et demi avant d'y retourner. Un jour j'ai vu une vacance de poste aux Nations unies, j'ai envoyé mon Cv. J'avais toujours rêvé de travailler aux Nations unies. Mon père y a été en 1960 avec Charles René Guy Okala qui a été le premier ministre des Affaires étrangères de ce pays. C'est eux qui ont négocié l'admission du Cameroun aux Nations unies avec l'actuel ministre de la Culture, Ferdinand Oyono, l'ancien directeur du protocole de la présidence, M. Betayene. Voilà la première délégation du Cameroun aux Nations unies. Ça m'avait frappé parce que dans mon enfance je regardais toujours les albums photos de mon père puis je voyais ces images de lui à New-York. Je me disais qu'il fallait qu'un jour je sois là. Le destin m'y a emmené sans que je fasse trop d'effort. 

Quelle est votre fonction officielle là-bas ? 

J'ai été recruté comme press officer. Littéralement en français ça veut dire attaché de presse, chargé de communication. Au départ, je couvrais la première commission, chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale. Je m'y intéresse beaucoup. Ensuite, j'ai couvert la deuxième commission qui est en charge des affaires économiques et sociales. Mon passage à la Banque mondiale m'avait accroché à ces questions là. Depuis sept ans, j'ai été affecté à la couverture des sessions du Conseil de sécurité. Entre temps j'ai reçu une forme de promotion. Maintenant je suis l'éditeur des attachés de presse qui couvrent la deuxième commission et le Conseil de sécurité. 

Quand vous revenez au Cameroun et que vous revoyez la Crtv, qu'est ce qui vous frappe ? 

J'étais à la Crtv la semaine dernière. J'ai eu la chance de rencontrer Charles Ndongo, l'actuel directeur de l'Information télé, à New-York, en septembre dernier lors de l’Assemblée générale des Nations unies. Il m'a fait une petite interview. C'est comme ça que j'ai repris contact avec mes anciens collègues. En passant ici, je leur ai fait savoir que j'étais à Yaoundé, ils m'ont gracieusement invité à venir visiter la maison. J'ai pu rencontrer M. Vamoulké. Il faut dire que je suis triste de l'état dans lequel je trouve la Crtv, notamment la télévision. Je ne suis pas tellement un homme de radio, je suis un homme de télévision. C'est un peu comme un rêve brisé. Je préférais Ctv à Crtv. On avait de grands rêves, on voulait en faire quelque chose de performant. Nous voulions imposer des normes internationales, non seulement dans la confection des émissions, mais aussi dans le ton et le traitement de l'information. A la Ctv, nous avons eu un premier directeur général, M. Florent Etoga Eily, un grand homme pour qui j'ai beaucoup de respect, qui nous a laissé les coudées franches, qui nous a demandé de faire notre métier. Il nous a avoué qu'il n'était pas un homme de télévision, qu'il était un grand commis de l'Etat, responsable de la gestion administrative et politique de la maison. Il confiait aux professionnels que nous étions alors de rendre très riche l'antenne. Je crois, ça a été les années d'or de la télévision camerounaise. Il a laissé libre cours à notre créativité. Je crois que c'est alors qu'on a créé les grandes émissions, qu’on a relifté le journal de la télé, Crtv Magazine, que j'ai créé et qui n'existe plus. On a voulu créer quelque chose de beau, une publication en quadrichromie, parce que je voulais introduire au Cameroun des choses belles, pour que les Camerounais sachent qu'il y a des standards et qu'en travaillant on peut y arriver. J'espérais aussi encourager le secteur privé à s'impliquer dans cette affaire en installant des imprimeries modernes. Au départ, on a cru qu'on allait y parvenir, mais subitement il s'est passé ce que vous savez. Le Cameroun est un pays des cabales, on monte des cabales contre les gens parce qu'on veut leur peau... 

" On veut leur peau " veut dire... 

Je veux dire que M. Etoga a été victime d'une cabale. Quelqu'un d'autre a été nommé à sa place. J'aimerais ne même pas parler des 17 ans que cette personne a passés à la tête de cette maison, parce que c'est une honte. 

Qu'est-ce qui a changé concrètement avec M. Vamoulké ?

 M. Vamoulké est un professionnel, c'est un journaliste. Il a un sens de la direction à prendre. Tout ce que je vais vous dire c'est à partir d'informations que j'ai eues sur le Web. Il a lancé de nouveaux modes de recrutement et de promotion de ses agents et collaborateurs. Au départ l’idée est très bonne. C'est comme ça que ça se passe ailleurs dans le monde. Ce qui m'a surpris, c'est la durée que tout cela a pris. De l'étranger, je me suis demandé ce qui se passait. Est-ce qu'on était encore tombé dans les mêmes petites combines à la camerounaise ? Est-ce que les gens vont vraiment être promus sur la base de leur compétence et non pas sur leurs liens avec tel clan, tel individu ? Finalement, on a eu ce qu'on a eu. Les gens qui ont été nommés par le conseil d'administration sont des professionnels. Maintenant la Crtv est en chute, je ne veux pas dire en chute libre. C'est comme la vieille querelle après le congrès de Bamenda qui a vu naître le Rdpc, celui du vin nouveau dans les vieilles outres. C'est la même problématique qui est en train de se poser. C'est l'impression que j'ai. Maintenant, comment peut-on faire pour regagner la crédibilité, la confiance du public, l'amour du public même parce que la télévision c'est un outil de séduction, dans un environnement désormais concurrentiel ? Les nouveaux responsables de la Crtv doivent trouver des solutions. 

Mais vous releviez plus haut que quelque chose semble changer au niveau même de la ligne éditoriale… 

Oui, la ligne éditoriale est en train de changer. Pour cela je félicite Charles Ndongo, qui a beaucoup donné à cette profession et à ce pays dans une certaine mesure. Il peut avoir les positions qu'il prend et on peut le juger selon ses propres convictions, mais il faut reconnaître qu'il a beaucoup fait dans un système difficile. Maintenant, est-ce que ça va continuer ? Est-ce que ça va aller loin ? Est-ce que M. Vamoulké va recevoir les moyens dont il a besoin ? J’ai appris par la presse qu'on était en train de lui couper les versements de la redevance audiovisuelle, alors que c'est le moment de les lui donner pour remettre l'outil en marche. Rien qu'en regardant l'image à l'écran, vous sentez que l'outil technique a besoin d'être réhabilité. L'image a perdu sa couleur, sa définition, cela veut dire que la plupart des équipements sont périmés à Mballa II. Et même dans les centres de retransmission… Ce n'est donc pas le moment de lui imposer une cure d'amaigrissement sur ce plan-là.

 De l'autre côté, il y a la question du personnel, un effectif pléthorique, qu'il faudra qu'il résolve. Est-ce qu'il en a politiquement les prérogatives ? 

Je ne pense pas. Il n'y a qu'au plus haut niveau que l'on peut prendre ces décisions là. C'est une question sensible. Il y a trop de monde. Il faudra orienter les ressources vers la production. C'est vital. Il faudrait même soumettre le personnel en place à un recyclage. C'est vrai que la Crtv a un centre de formation à Ekounou, mais même les formateurs qui y sont ont besoin d'être réformés. La technologie évolue très vite. La tâche à abattre est immense. 

Et pour le reste de la presse camerounaise, la presse écrite, les nouvelles radios et télés... Avez-vous eu le temps de regarder ? 

Oui, j'ai regardé certaines nouvelles télés notamment Canal 2. Il y a beaucoup d'images mais il n'y a pas beaucoup de commentaires et d'analyses. Je ne sais pas comment cela a été organisé. L'impression que ça donne c'est qu'il n'y a pas beaucoup de personnels qualifiés là derrière. On reçoit des images par satellite que l'on vous balance à l'antenne continuellement, ça passe, ça passe. Cela dit, c'est un début. C'est un bon début. Ils ont un sens artistique un peu plus développé que celui de la télévision de service public. Leur visuel est meilleur en ce moment que celui de la Crtv. 

Ils ont également des espaces de liberté plus importants, notamment certains débats avec des hommes politiques ou les hommes de médias. 

C'est tout à fait l'impression que ça m'a donné parce que j'ai aussi regardé le débat qu'ils ont organisé autour du discours du chef de l'Etat. Le ton y était un peu plus libre. Peut-être même un peu outrancier. Mais on sentait aussi le manque d'expérience de la part des personnes chargées de coordonner l'émission, mais ça va venir avec le temps. Maintenant ils ouvrent beaucoup leurs plateaux à des journalistes de la presse écrite, c'est bien. Mais il faudrait que du côté des hommes de la presse écrite, que vous vous formiez aussi, en sachant que vous allez de plus en plus être invités sur les plateaux de télévision, aux techniques du débat télévisuel. 

Quels sont vos projets à moyen et à long terme. Quand revenez-vous au Cameroun ?

 Bien sûr, je reviens au Cameroun (rires). Mais je ne peux pas vous dire quand. Cela dépend de beaucoup de circonstances. Je suis Camerounais, il me faut une maison dans mon pays, voilà ce que je suis venu faire cette fois-ci. J'ai trouvé un bel endroit où construire ma petite maison, ma petite cabane au Cameroun. Ça ne va pas être quelque chose de spectaculaire, ce sera quelque chose de confortable. Au niveau international je compte encore y rester un certain temps et puis, finalement, je ne peux offrir que ce que j'ai. Tout dépendra de l'offre. Si une offre m'est faite... Sinon j'aimerais aussi créer quelque chose ici en matière de communication. C'est déjà bien qu'il y ait des journaux indépendants. Mais sur le plan de la communication, on a par exemple une scène politique qui ne sait pas communiquer. C'est un métier à part entière. C'est mon métier et le champ est encore vierge. Si Dieu m'en donne les moyens, je compte un jour me lancer de ce côté-là.

 

Auteur:
Adeline ATANGANA
 @t_b_d
Tweet
Facebook




Dans la même Rubrique