De l’aide publique à la communication

Par Alphonse Ateba Noa | Mutations
Yaoundé - 13-Aug-2003 - 08h30   50990                      
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La nouvelle a fait le tour des médias publics, Crtv et Cameroon Tribune en des termes très laudateurs. L’aide publique à la communication privée prévue dans le cadre de l’exercice budgétaire 2004 est déjà disponible.
La nouvelle a fait le tour des médias publics, Crtv et Cameroon Tribune en des termes très laudateurs. L’aide publique à la communication privée prévue dans le cadre de l’exercice budgétaire 2004 est déjà disponible. Au total, 33 millions de francs cfa ont été distribués à 30 entreprises de communication tous secteurs confondus, à savoir : la presse écrite, les médias audiovisuels, les imprimeries, les entreprises de communication globale, les agences conseils et les organisations professionnelles. Point n’est besoin, cela va sans dire, de revenir sur les critères de répartition de cette manne gouvernementale qui ont été présentés dans le communiqué final de la première session de la commission nationale d’examen des demandes d’accès au bénéfice de l’aide publique à la communication privée, et encore moins sur la qualité et l’envergure des organes de presse et des entreprises de communication ayant été élus à cette aide. Par contre, il est difficile de rester insensible aux chiffres qui ont été avancés à l’issue de cette première session présentée en plein mois d’août comme celle comptant pour le 1er trimestre 2004 : 33,7 millions de francs cfa répartis entre 30 bénéficiaires, 1,9 million de francs cfa pour l’entreprise de presse la mieux nantie, à savoir la Nouvelle expression, 1,9 millions de francs cfa également pour l’entreprise de communication audiovisuelle la mieux dotée (Multimédia Center), et à peine un demi million de francs cfa pour les entreprises de fabrication, ou les associations socioprofessionnelles les mieux créditées. Des chiffres qui devraient faire à rire au regard de toute la propagande qui est faite autour de cette action qui n’a de pareille que la dernière " générosité " du gouvernement en faveur des partis politiques à l’occasion des dernières consultations électorales et qui, elle, était de l’ordre de 500 millions de francs cfa, pas moins. Certes, comparaison n’est pas raison, mais il faut relever tout de même que la modicité des moyens dégagés pour les entreprises de communication pour le 1er trimestre 2004, n’est pas de nature à pousser à l’exultation, puisque ne relevant pas, cela est plausible, d’un cas exceptionnel comme a voulu le démontrer le ministre de la Communication. Déjà en 1998, le gouvernement camerounais, via le Ministère de la Jeunesse et des Sports, avait décidé de prendre en charge les frais de couverture médiatique d’un certain nombre d’organes privés d’information à la coupe d’Afrique des Nations au Burkina Faso. Quelques mois plus tard, la même expérience fut renouvelée pour la participation des médias camerounais à la coupe du monde France 98. Récemment à l’occasion de la double élection municipale et législative, un appui financier fut accordé à l’ensemble de la presse privée via le ministère de la Communication. Chaque organe de presse s’en tira avec plusieurs millions de francs cfa sans pour autant que le geste soit entouré par cette publicité tapageuse entonnée par le Mincom depuis l’inscription dans le budget 2004 d’une ligne de crédit de 150 millions de francs cfa destinés à l’aide, dit-on, publique à la communication privée. Et c’est au niveau de ce montant que se pose le problème de fond. Que peuvent valoir un ou deux millions de francs cfa pour un organe de presse privé comme la Nouvelle Expression qui, sur une estimation empirique, consomme en moyenne trois millions de francs cfa de papier par mois, 4,5 millions de francs cfa de frais d’imprimerie dans le même mois, une dizaine de millions de francs cfa de masse salariale, et qui doit renouveler son parc informatique pratiquement tous les 18 mois, sans compter toutes les charges fiscales, et autres frais de fonctionnement ? Que peuvent valoir 1, 3 millions de francs cfa pour une entreprise audiovisuelle comme Multimedia Center qui, pour réaliser un seul magazine de 26 minutes sur la lutte contre l’onchocercose ou sur la prévention routière, a besoin de mettre en place un budget de 8 millions de francs Cfa ? Sur ces deux questions, repose toute la problématique, non pas seulement de l’opportunité de l’aide accordée à la communication privée, mais de l’impact de cette dernière sur la modernisation des entreprises bénéficaires dont on espérait pourtant qu’elles se professionnaliseraient et se libèreraient grâce aux fonds alloués. Mieux qu’une simple condamnation de l’initiative gouvernementale, il s’agit là d’une interpellation du ministère de la Communication, initiateur de cette entreprise, mais dont l’acte ne mérite même pas d’avoir valeur de simple symbole.




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