La censure est de retour: Insight magazine toujours sous embargo

Par Marion Obam | Mutations
Yaoundé - 14-Nov-2003 - 08h30   51863                      
0
Le mensuel de langue anglaise est séquestré à la douane de Douala depuis huit jours. Pour avoir osé aborder l’histoire de la Réunification...
Le directeur de la publication du mensuel Insight Magazine Félix Etia a perdu quelques kilos. Il est tourmenté depuis jeudi 6 novembre dernier, date de son arrivée au port de Douala avec le cinquième numéro de son magazine, qui a été confisqué par la douane sur instruction des inspecteurs de la Direction de la surveillance du territoire (Dst). " Ce qui me perturbe, c’est qu’ils ne me disent pas clairement ce qui m’est reproché ou alors m’expliquer pourquoi cette édition dérange. Rester dans l’incertitude, concentré sur un seul problème me pénalise. Toutes les autres activités sont bloquées depuis plus d’une semaine. Personne n’arrive à me donner une lettre ou un document pour la confiscation de mes journaux avec le motif de cette saisie ", explique t-il. Il a décidé de passer à l’action. Après un week-end de réflexion à Yaoundé, sa ville de résidence et siège de Insight magazine, Félix Etia est revenu à Douala lundi 10 novembre : " J’ai contacté un huissier dans le cabinet de Maître Towa qui a fait un constat de saisie et a servi une soumission de restitution à la douane. Malheureusement, la douane n’a pas voulu restituer en précisant que c’est la Dst qui est à l’origine de ce blocage. Je me suis rendu à la Dst pour rencontrer le commissaire qui m’a reçu et m’a assuré que j’aurai mon stock de journaux dans l’après-midi, mais au préalable, il fallait que les autorités de la province du Littoral donnent leur accord ". Effectivement, Félix Etia recevra le coup de fil du chef de la douane de Youpwé, le priant de venir récupérer ses journaux le lendemain au delà de 17h et qu’à ce moment les principaux responsables étaient tous rentrés. Toute cette nuit là directeur de la publication de Insight Magazine croyait enfin voir le bout du tunnel. Mais, c’était sans compter avec les méthodes draconiennes, sans parler du plaisir qu’ont ces tortionnaires à voir un homme réduit. "Quand je suis entré dans le bureau du chef de la douane de Youpwé aux environs de 10h le mardi 11 novembre, il m’a demandé de m’asseoir car il était au téléphone. Après avoir raccroché, il m’a dit qu’il ne pouvait plus me remettre les journaux parce qu’il venait de recevoir les instructions du chef de cabinet de la province ", explique-t-il, abattu. Félix Etia se rend donc à la province pour rencontrer le chef de cabinet. Ce dernier ne consent à le recevoir qu’après 15h, pour un nouvel interrogatoire. " Présentez- nous les dossiers qui sont traités dans ce n°5". Cette injonction est ce qu’on répète à Félix Etia depuis huit jours que cette situation perdure. Pour étaler son incompétence, mieux toute son ignorance, le chef de cabinet lui dit " qu’il ne comprend et ne lit pas l’anglais. Mais, il voit que par les photos de Ahidjo, Foncha, Mukong et Endeley qui sont à la une, c’est quelque chose de suffisamment grave. Par conséquent, il exige que Félix Etia lui fasse l’économie de cette édition". Exercice auquel il se soumet pour la énième fois. Le condensé de cet entretien est consigné dans un dossier qui est plus tard remis au secrétaire général de la province, qui a pouvoir de décider, puisque Haounaye Gounouko, le gouverneur, est en congé en France. Malheureusement, depuis mardi soir, le Sg est subitement entré dans " un tourbillon de réunions ", au point qu’il ne peut sacrifier un peu de son temps si cher pour trancher le problème de la séquestration de Insight magazine, encore moins pour nous recevoir. Quand on sait que l’information est une denrée essentiellement périssable, on se demande bien qui va finalement payer les dommages qui seront causés à Félix Etia. Le seul mensuel de langue anglaise, dont la production de cette édition a coûté, selon son directeur de publication, 2.5millions de Fcfa. Jusqu’à ce jour, aucune accusation n’a été publiquement faite à cette belle et originale aventure journalistique dans un pays où l’on prône chaque jour le renouveau communicationnel et la liberté de la presse.




Dans la même Rubrique