Douala inondée de Fm

Par Emmanuel Gustave Samnick | Mutations
Yaoundé - 30-Sep-2003 - 08h30   59628                      
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Les nouvelles chaînes privées tiennent la capitale économique en haleine.
Le chauffeur de taxi dodeline de la tête, bercé par un air classique diffusé par Radio Bonne nouvelle. Puis, quand nous lui rappelons qu'il doit nous déposer juste en bas de l'immeuble qui abrite le siège de Rtm, il change le bouton de son récepteur-radio pour se mettre sur la bande 106 Mhz, la fréquence de cette chaîne urbaine qui propose un jeu radiophonique à ses auditeurs à cette tranche de la matinée, puis s'exclame : " Ah, vous avez gagné un prix ! " Le chauffeur de taxi a pris le reporter de Mutations pour un gagnant des nombreux jeux radiophoniques que proposent les différentes chaînes de radio en concurrence à Douala, généralement dans les tranches d'animation de fin de matinée. Coincé au quatrième étage de l'immeuble Hogmeni à Bali, Real Time Music (Rtm) n'a pas d'enseigne mais son siège est vite repéré par les auditeurs. C'est que depuis deux ans, la capitale économique du Cameroun est sous l'emprise des radios libres émettant en modulation de fréquence. Et, c'est Real Time Music qui a donné le la de ce boom radiophonique. La jeune cha~ne, entièrement dédiée à la musique, comme son nom l'indique à suffisance, lance ses programmes le 31 décembre 2001. Depuis lors, elle arrose les habitants de Douala, 24h/24. C'est la première radio à diffuser ainsi en continu dans la capitale provinciale du Littoral. "Nous ne diffusons que de la musique, et en particulier nous voulons faire la promotion de la musique camerounaise ", explique la chef de chaîne, Jocelyne Nankam, qui ajoute que la première difficulté a été de faire accepter un nouveau concept de radio au public, habitué aux chaînes généralistes. Pour combler cette attente, Rtm a inclus dans sa programmation quotidienne sept " arrêts pour l'information ". Il s'agit de petits bulletins d'info dont deux en anglais, ainsi que deux journaux de faits divers. La chaîne, qui revendique d'être la radio des jeunes de Douala, a fini par être adoptée. Selon la chef de chaîne, Rtm a 35 fans clubs disséminés dans tous les quartiers de la ville. " Nous avons des équipes d'enquête qui descendent sur le terrain pour savoir quelles sont les émissions les plus écoutées. La radio est bien reçue par le public. Ce sont d'ailleurs les auditeurs qui ont suggéré de créer des programmes inter-actifs, où le public peut intervenir en direct. Nous le leur avons concédé en leur permettant de dire bonjour à des proches ou de participer à des jeux concours dans des tranches horaires spécifiques ", précise Jocelyne Nankam, qui se réjouit du succès de la radio qu'elle dirige. Adhésion du public Succès auprès du public, mais également réussite commerciale. Les annonceurs sont présents, ce qui apporte de l'argent frais dans les caisses de la chaîne. Le chef de chaîne de Rtm avoue qu'elle ne connaît pas de difficultés matérielles : " Comme nous sommes à la pointe des nouveautés musicales, nous investissons une grande partie de nos ressources dans l'achat des CD. Par ailleurs, nos patrons sont en Europe et nous envoient régulièrement les derniers produits. Un accent particulier est mis sur les succès du temps passé (tous les soirs de 21h à 23h), parce que nous nous sommes rendus compte que les gens ne mettent plus du temps pour composer de belles chansons. Alors, il faut leur donner à écouter ce qui se faisait de bien ". Sweet Fm, démembrement du câblo-opérateur TV+, a établi ses quartiers sur la rue Njo Njo à Bonapriso. Lancée depuis décembre 2002 seulement, elle marque progressivement son territoire. Diffusant 24h sur 24, elle est aussi 100% musical et commerciale. De 7h à 00h, il y a des animateurs à l'antenne. Et de minuit à 7h, c'est musique coule à flots, toute seule, programmée sur ordinateur. A Sweet Fm, on met beaucoup l'accent sur les aspects commerciaux. D'ailleurs, c'est le directeur commercial de la chaîne, Ghislain Amba Kaledje, qui nous reçoit. " Tous les invités qui passent à l'antenne sont a priori en promotion payante. Néanmoins, chaque animateur a droit à recevoir un invité par semaine, sans contrepartie financière ", explique-t-il. Avec six animateurs permanents et deux réalisateurs, la radio envisage de pouvoir équilibrer ses comptes dans un an, même si pour M. Amba Kaledje, "beaucoup d'entreprises ne savent pas qu'il faut communiquer. Il a fallu que Mtn et Orange arrivent pour bousculer un peu les habitudes". Sweet Fm ne manque pas d'ambition. Elle voudrait couvrir l’ensemble du territoire national. Des essais sont d'ailleurs en cours en ce moment dans la capitale politique, Yaoundé. Très écoutée pour sa programmation musicale, la chaîne de la rue Njo-Njo est sur le point de se lancer aussi sur le terrain de l'information. "Mais, ce sera l'information de proximité, la vie dans les quartiers Et il n'y aura pas de journaux parlés, mais des interventions à l'intérieur des tranches d'animation musIcale ", précise le directeur commercial. Ghislain Amba Kaledje reconnaît par ailleurs que, sur le terrain de l'information, radio Equinoxe a pris depuis longtemps une longueur d'avance. La chaîne créée par le patron du tri-hebdomadaire d'informations générales La Nouvelle Expression, Sévérin Tchounkeu, est en effet leader sur ce créneau de l'information à Douala. Emettant depuis avril 2002 du quartier commercial Akwa, Equinoxe a considérablement rogné des parts de marché aux chaînes publiques locales, Crtv Littoral et Fm 105 Suellaba. La promptitude à relater ce qui se passe autour d'eux a conduit les habitants de Douala à adopter rapidement radio Equinoxe. Et comme en plus, cette chaîne privée offre des émissions de débats libres et enlevés comme " Polémos les auditeurs s'en délectent et en redemandent, eux qui en étaient sevrés au temps du "parti unique radiophonique", la sombre époque du monopole de la radio d'Etat, Cameroon Radio Televison (Crtv). Ce ne sont pas les résidents de Douala qui vont se plaindre de cette diversité de l'offre. Après la diffusion en modulation de fréquence des chaînes étrangères (Rfi, Bbc, Africa N°1), la dynamique des Fm privées a rehaussé la qualité des programmes radiophoniques. Toutes les chaînes ont fait l'effort de recruter des animateurs de talent, à la voix qui porte et qui savent tenir l'antenne. Le boom des radios à Douala illustre à merveille les bienfaits de la concurrence.




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